Tulle, 6 heures du matin
« Moi Président en 2027 » : cette anaphore hante mes nuits. Elle me rappelle mon duel face à un Sarkozy médusé, duel que j’ai gagné. Ce « moi Président » m’a ouvert les portes de l’Élysée. Mais nous étions le 3 mai 2012, 13 ans de perdus depuis, avec deux mandats Macron ! La répétition de la formule magique va-t-elle marcher cette fois ? Encore trente mois à attendre… à mon âge. Heureusement, cet incroyable retour de Trump, malgré nos différences, me remplit d’espoir !
D’abord
Pour être à nouveau Président, il me faut être seul face à Marine Le Pen : elle est le repoussoir rêvé, surtout si elle arrête sa cure de dédiabolisation. Mais ces juges qui veulent l’empêcher de se représenter m’inquiètent. Donc je dois reprendre en main le PS, en virant son chef au prochain congrès, début 2025. Puis il faut m’allier avec le patron de ce groupuscule Place Publique, qui a réussi son coup aux européennes : Raphaël Glucksmann. Il déteste Mélenchon, comme moi, ce qui est une bonne base pour s’allier avec Ruffin, qui déteste Mélenchon, comme moi, et travailler avec les écolos sur un programme sérieux. Ça les changera, ces frondeurs ! Puis il faudra convaincre Roussel, qui déteste Mélenchon, comme moi, de me soutenir et les communistes qui viennent enfin de comprendre que les trotskystes veulent leur peau, comme la nôtre d’ailleurs. C’est génétique. Pour Mélenchon, l’Élysée est la victoire suprême, après il détruira ce qui reste debout et entrera dans l’histoire.
Évidemment
Il faudra que je laisse l’extrême-droite s’entredéchirer avec la droite. Je ne peux gagner qu’en duel, avec et contre eux. Ce sera « la démocratie contre les deux extrêmes », même si je sais que les lepénistes actuels viennent des classes ouvrières, agricoles et intermédiaires, plus inquiétées par le chômage que par l’inflation ou la dette publique. C’est ça, la mondialisation : prolétaires qui restez, unissez-vous. « Contre le chômage, on a tout fait », disait Mitterrand. Merci : on paye aujourd’hui encore sa politique, et ce n’est pas fini. Il a augmenté les salaires, réduit le temps de travail, instauré la retraite à soixante ans et fait embaucher des fonctionnaires. La dette n’a donc pas cessé de monter : manque de croissance, plus de charges fixes publiques et d’«avantages acquis» !
Il nous faudra autre chose…
Pour gagner, avec moi, et franchir tous ces obstacles. Un programme musclé, pour la croissance, l’exportation, l’emploi, la productivité… et humain bien sûr. Ce sera le temps du Nouveau socialisme, celui d’un vrai et solide renouveau ! Il nous faut donc des slogans forts, un seul surtout, qui englobe et mobilise. Impossible de refaire « La force tranquille » de Mitterrand, avec son église et son clocher, puisqu’il nous faudra beaucoup plus de force pour être un peu moins tranquilles qu’alors, par les temps qui courent.
Yes we can
Make America Great Again, Oui nous pouvons avec Obama, Faire l’Amérique grande à nouveau pour Trump. C’est mieux que le vague Forward (en avant) d’Harris ou son catastrophique We’re Not Going Back (nous n’allons pas en arrière), une négation dans un slogan ! Il faudra contrer : « La France qu’on M », M pour Marine sans doute, ou : « Un autre monde est possible » pour Mélenchon, lui qui veut nous envoyer dans l’autre ! Il nous faut revoir le « Ensemble changeons d’avenir » d’Hidalgo ou le « Nous tous » de Macron. Ils ne veulent rien dire, même si Hidalgo a fait pire que son slogan.
Il ne me suffira pas de répéter « Moi Président »…
Si je n’ajoute rien de précis, de fort et de différent des autres. Mon « le changement c’est maintenant » n’est plus d’actualité. Évidemment aussi, pas un mot sur la guerre, les retraites ou l’inflation : danger. Attention avec « Europe » ou « travail ». Pas de « refaire », de « rebâtir ». Motus sur l’Intelligence artificielle ou sur la Chine. Rien sur le climat, ou alors par une illustration. Et bien penser aux macronistes qui nous rejoindront !
Essayons :
Une France unie pour une Europe forte : rêve. Une France forte dans une Europe puissante : exigeant et macho. Oui nous pouvons : pompé. Ensemble pour la France : imprécis. France avance, ensemble, pour tous : lourd. France…
Dring, Dring…
Allo, Hollande à l’appareil ! Oui Mélenchon, je saute dans le 6h56 et j’arrive à la réunion pour renforcer notre coopération. Quoi, tu votes la censure et tu dis : « Moi Président en 2025 ! ».
J’allais trouver mon slogan, il me le pique. Salaud !