Routes des USA contre Routes de la Soie : États-Unis contre Chine, est-ce l’essentiel du G7 qui vient de s’achever ?

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La Chine s'est immiscée dans les débats entre les chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet du G7 ce week-end. Les dirigeants ont tenté de trouver des solutions face aux visées de la Chine. La voie des démocraties occidentales devient de plus en plus délicate.

Routes des USA contre Routes de la Soie : États-Unis contre Chine, est-ce l’essentiel du G7 qui vient de s’achever ?

© G7 UK 2021

 

1 – C’est la question. Les États-Unis vont-ils reprendre leur leadership mondial et contrer l’avance stratégique mondiale majeure de la Chine : les Routes de la soie ? Des Routes des USA vont-elles naître ? Cette question a dominé le G7 qui vient de s’achever en Angleterre : qui va donc piloter le monde dans les années qui viennent ? Depuis les années Trump en effet, les grands pays démocratiques et les pays émergents ont bien vu que les États-Unis ne peuvent plus seuls gérer le monde, ni même le monde démocratique. De son côté, la Chine ne le peut ni ne le veut, du moins pas encore, mais elle peut avoir le temps pour elle.

Qui va donc diriger le monde, c’est la question qui se pose depuis le départ de Barak Obama : il arrondissait les angles avec la Chine tout en cherchant à la freiner, avant la venue de Donald Trump. Avec Donald Trump, les choses sont devenues simples, directes et bilatérales ! Lui parti, son successeur Joe Biden ne peut plus cacher l’opposition frontale et dominante de son agenda avec la Chine. Mais les deux puissances doivent échanger, les États-Unis surtout ont besoin d’acheter à la Chine, elles ont des problèmes et des accords communs, en matière de climat et de santé notamment. Chine et États-Unis sont ainsi, à la fois, rivaux, concurrents et complémentaires. Mais tout évolue : la Chine ne cesse d’avoir plus d’alliés, en tout cas de redevables, et ceci d’autant plus que les États-Unis ont refroidi leurs meilleurs amis.

2 – La réponse est non, pas d’opposition des Routes des USA aux Routes de la Soie. Mieux vaut des USA qui pilotent un agenda partagé du G7 et étendent le cercle des pays qui reconnaissent leur démarches et finissent par l’apprécier. Cette réunion des Chefs d’état et de gouvernement du 11 au 13 juin, invités par le Royaume-Uni en Cornouailles, a semble-t-il permis de trouver une démarche pour renforcer ensemble la croissance et l’emploi et, de plus en plus, pour avancer dans des solutions mondiales au-delà de ses membres. Il s’est ainsi agi de lutter contre la pandémie en cours, et celles qui suivront, par des dons de doses pour aider les pays les plus démunis (1 milliard de doses en un an), puis par le fait de revoir les brevets par temps de pandémie, avec transparence sur les prix et enfin de leur permettre de développer une industrie pharmaceutique propre. Cette même logique de soutien et d’aides se mettra en place pour lutter contre le réchauffement climatique (100 milliards en un an).

3 – Mais il faudra plus de suivi et de vérifications dans tous ces engagements. « Build back greener » : pas de problème pour les grands principes de climat et de biodiversité, maintenant que les États-Unis ont rejoint l’Accord de Paris. Mais ceci ne veut pas dire du tout qu’au sein même du G7 l’accord existe sur le prix du carbone ou sur le nucléaire. Ouvrant la session sur le sujet, le naturaliste Sir David Attenborough n’a pas ménagé ses messages : «nous sommes au bord de déstabiliser la planète… Les décisions à prendre cette décennie sont les plus importantes de l’histoire humaine ».

4 – L’impôt minimal sur les résultats des grandes multinationales à 15% est repris – ce que des grandes entreprises américaines et chinoises peuvent ne pas aimer. Attendons les ripostes !

5 – Selon Emmanuel Macron, l’horizon semble s’éclaircir pour une industrie européenne de défense. Ceci est une bonne réponse que… des grandes entreprises russes, chinoises et… américaines peuvent ne pas aimer !

6 – La Russie et la Chine n’ont pas aimé ce G7 qui paraît plus uni. La Russie ne s’y est pas trompée avec une longue interview du Président Poutine par NBC News le 11 juin, dans laquelle il fait un long éloge de… Donald Trump. Ni la Chine, dont le porte-parole de l’ambassade au Royaume-Uni précise le 12 juin que « les jours où les décisions globales étaient dictées par un petit groupe de pays sont depuis longtemps dépassées… Il n’y a qu’un multilatéralisme… celui de la Charte des Nations Unies ».

7 – Les États-Unis ont été courtisés. « Build Back Better» : reconstruire un monde meilleur, Boris Johnson ne pouvait trouver de titre plus « bidenien » pour ce G7 de Cornouailles. C’était un clin d’œil, très appuyé, à Joe Biden, qui avait pris Build Back Better comme slogan de campagne contre Trump et qui ajoute « for the World » à l’occasion ! C’était aussi une façon de faire oublier l’idylle nouée entre Boris Johnson et Donald Trump en pleine campagne du Brexit, le premier cherchant des supports politiques et économiques, le second n’aimant pas une union qui pourrait faire de l’ombre à sa puissance économique et à son dollar, mais demandant quand même à ce que les USA protègent sans trop payer. Emmanuel Macron a été vu aussi  comme très proche de Joe Biden, au point que Trump leur a décoché un message vengeur, à partager entre Européens !

8 – La guerre des saucisses » entre France et Union-Européenne d’un côté, Royaume-Uni de l’autre semble déclarée. On connaît bien la manière dont les médias britanniques « synthétisent », pour ne pas dire « déforment » les sujets, surtout quand la France est en jeu. Comme toujours, le début est anodin, voire humain : pour éviter qu’une frontière « en dur » entre les deux Irlande ne ravive la guerre arrêtée par l’Accord du Vendredi Saint, il a été prévu et signé qu’une frontière, virtuelle, vérifie la qualité des produits acheminés d’Angleterre en Irlande du Nord. Cette vérification devrait se faire à la frontière anglaise. Pour des raisons pratiques, une période de grâce a été décidée pour l’entrée en Irlande. Mais l’Union européenne a déclaré que des denrées non déclarées étaient entrées récemment sans déclaration adéquate. En mars, le Royaume-Uni a décidé seul d’étendre la période jusqu’à octobre, pour rendre les choses plus aisées dit-il, pour nourrir ses populations. Mais les autorités européennes ne l’entendent pas ainsi, et de « mots » en mots », la tension monte. On sait ce que l’Union européenne craint : l’entrée de biens n’obéissant pas aux mêmes règles dans le Marché unique qui pourrait l’affaiblir (de la contrebande en fait). C’est ce que la partie britannique présente comme une incompréhension de la réalité de l’Irlande du Nord, voire une offense de la part d’Emmanuel Macron et qui pourrait affaiblir le Royaume-Uni, au moment où l’Ecosse demande son indépendance et où Joe Biden l’aime, mais toute « special relationship » a ses limites.

9 – America is back, tant mieux pour le G7 qui ne doit pas oublier le passé récent ni la montée mondiale des périls. Elisabeth II l’a bien vu. Lors de la photo spéciale du vendredi 11 où elle figurait, elle aura bien résumé ce dont il s’agissait, s’adressant à tous les chefs d’état et de gouvernement : « Etes-vous supposés faire comme si vous paraissiez vous amuser ? » Are you supposed to be looking as if you’re enjoying yourself ? Ce double jeu de miroir traduit l’importance des risques et la nécessaire distance pour les traiter, sauf à faire tout échouer. Trump n’est plus là, pour l’heure au moins, mais dans toutes les têtes, puisqu’il s’agit en large part de réparer son héritage, en plein milieu d’une pandémie. Ceci doit conduire à plus d’échanges et de multilatéralisme : un concept honni par Trump, mais pas forcément adoré par Xi s’il avance ainsi.

Le G7 qui se ferme n’ouvre pas des Routes des USA contre des Routes de la Soie chinoises : les USA doivent partager une part de leurs Routes, pour la croissance et la liberté. Ce serait… bien de les rejoindre avec une Europe qui renforcerait sa propre unité et « s’occuperait » de la Russie et aiderait l’Afrique. Naïfs s’abstenir.


Atlantico

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