Jean-Paul Betbeze décrypte la crise multiforme vécue actuellement et indique la place de l’Afrique dans l’après-Covid-19
Notre capacité de prédiction et d’analyse s’est considérablement amoindrie avec la pandémie du coronavirus. Sur quoi faut-il s’appuyer aujourd’hui pour établir un diagnostic le plus juste possible ?
La pandémie est un « cygne noir », un événement très peu probable mais très violent. Elle a fait baisser à la fois la demande et l’offre ; l’offre avec les fermetures d’usines et la demande plus encore, avec les inquiétudes sur le virus et l’emploi.
Pour savoir comment repartir, il faut examiner ces deux aspects : comment la demande peut se recomposer avec une offre qui se reconstruit, les deux devant fonctionner ensemble.
La Chine repart : elle a, en fait, été moins atteinte en termes de demande et d’offre, puisque tous ont besoin de ses produits. La prévision sera plus compliquée pour les États-Unis qui veulent des productions locales, avec une confiance à reconstruire.
L’Afrique va être perçue après la pandémie comme le partenaire le plus important de l’Europe en termes de liens sociaux, économiques et stratégiques. L’Afrique est proche, avec des alliés sûrs.
En Europe, l’offre et la demande ont été atteintes, ce qui a conduit à des systèmes de soutien à la production et à la demande par des crédits et des déficits budgétaires, avec l’idée qu’une part de l’activité sera relocalisée.
Avec l’emballement des dépenses et le relâchement de la discipline budgétaire et financière, qui va payer l’addition finale : les citoyens, les États ? Ou bien va-t-on finir par utiliser l’ardoise magique pour effacer tout cela ?
Face à la pandémie, il n’y a pas le choix : l’État doit éviter l’effondrement économique et social. Partout il va soutenir par des crédits, des aides au chômage partiel et laisser filer son déficit. En même temps, il va demander aux banques d’accorder plus de crédit et aux Banques centrales de les soutenir et d’acheter plus de bons du Trésor.
Il n’y a pas d’ardoise magique pour effacer les dettes : il n’y a que la croissance (surtout) et l’inflation (un peu) qui permettront de réduire le poids du remboursement, mais rien ne sera possible sans cohésion nationale.
Cette crise a des facettes multiples et un caractère inédit. Comment va-t-elle transformer nos vies au quotidien : chômage, perte du pouvoir d’achat, etc.?
Personne ne voit le sentier de croissance qui s’ouvre à nous. Le plus vraisemblable, c’est qu’il sera plus bas qu’avant d’où l’inquiétude sur un chômage endémique, avec des pertes de pouvoir d’achat.
Mais le plus important est peut-être que la pandémie peut modifier des comportements : transports en avion, vacances lointaines et certaines dépenses comme la restauration, l’hôtellerie et d’autres services « de confort ».
Nous allons peut-être vers une croissance plus resserrée autour des économies nationales et de l’Union européenne, avec des alliances plus nettes avec des pays amis, pour échanger des biens et services jugés essentiels.
La croissance future sera donc quantitativement plus modérée mais qualitativement plus exigeante, la question étant de savoir si nous accepterons d’en payer le prix !
Pour l’Afrique, cette crise va-t-elle se traduire avec plus de recul en termes de développement et de paupérisation pour l’Afrique, ou celle-ci va s’en sortir grâce à sa capacité de résilience ?
L’Afrique va être perçue après la pandémie comme le partenaire le plus important de l’Europe en termes de liens sociaux, économiques et stratégiques.
L’Afrique est proche, avec des alliés sûrs. Au-delà de leur résilience et de leur flexibilité, il est indispensable de renforcer les liens stratégiques entre l’Union européenne et l’Afrique qu’il s’agisse de production, de nouvelles technologies, de terres rares et aussi, on l’oublie trop, de grands marchés. Elle se constitue avec des zones douanières homogènes puis envisage des zones monétaires. C’est l’avenir.
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