A perfect storm, disent les Américains. C’est ce qui se passe quand, brutalement, le temps se couvre et que survient une crise majeure. Aujourd’hui, elle n’est « que » monétaire et financière et ne frappe « que » certains pays émergents.
Sans qu’on le dise, le spectre d’une pénurie de dollars avance dans le monde, avec la montée des taux courts américains et les attaques trumpiennes sur les échanges. Le peso argentin perd plus de la moitié de sa valeur depuis janvier, la Livre turque 35%, le real brésilien 20%, le rand sud-africain 15%, la roupie 10%. Sans compter le rial iranien et le petro vénézuélien… Et Donald Trump frappe désormais aux portes de la zone euro : il critique ses excédents commerciaux (les automobiles allemandes) et plaint l’Italie, exposée aux migrants !
Evidemment, ce parfait orage ne touche pas (encore) les Etats-Unis, ni leurs bourses, occupées à fêter les 1 000 milliards de dollars de capitalisation d’Apple et d’Amazon. Là, c’est l’euphorie.
Mais la France commence à sentir plus que des gouttes. Le Cac 40 est retombé à son niveau de début d’année, 6% au-dessous de son maximum de mai. Un ralentissement apparaît, avec un retournement du moral. La « convergence des flèches » anti-Macron fait son effet.
L’enquête auprès des entrepreneurs, réalisée en août par l’agence Markit, le montre. Elle annonce un mieux puis un brusque retournement des esprits. Acte I : « La croissance de la production s’accélère légèrement dans le secteur manufacturier français en août ». Acte II : « Malgré une reprise des dépenses des clients au cours de l’été, les fabricants restent prudents en matière d’embauche ». Acte III : « la confiance des fabricants français chute à son plus faible niveau depuis la fin de l’année 2016. Les tensions commerciales mondiales… font craindre un ralentissement de la croissance au cours des douze prochains mois. »
Déjà la croissance hésitait en début d’année. Avec 0,2% de croissance au deuxième trimestre selon l’Insee, on n’aura pas le 2% attendu en 2018, mais au mieux 1,7% (Bercy). Puis ce sera autant en 2019 et 1,6% en 2020 (Banque de France). La Banque de France a beau dire que la France est « au-dessus de son potentiel », cette gentillesse technique n’aide pas, d’autant qu’elle ajoute que ceci finira en 2019. 1,6% : c’est notre potage « potentiel », avec un taux de chômage à 8,2%, comme avant la crise !
Voilà de quoi nous inquiéter de la météo, sachant que nous ne sommes pas les seuls. Les psychologies des patrons français rejoignent celles des patrons européens, toujours selon Markit. « Les perspectives de croissance se sont de nouveau repliées au cours du mois (d’août), affaiblies par la plus faible expansion du volume des nouvelles commandes depuis deux ans et par des inquiétudes croissantes quant à l’évolution de la conjoncture économique. » On retrouve les usual suspects : « moindre hausse de la demande sur les marchés étrangers et plus grande aversion pour le risque… le risque de guerres commerciales et les conséquences néfastes de l’imposition de tarifs douaniers, conjugués au Brexit et autres inquiétudes politiques, pesant sur la confiance des entreprises. »
Fragilisée aux côtés d’une Allemagne qui ne comprend pas ce qui lui arrive, la France doit trouver assez de force pour se réformer, avec une météo qui n’aide pas. En effet, chacun va s’accrocher plus encore à ses acquis. Tout s’ajoutera : les critiques des extrêmes et autres opposants, des aigris qui ne se jugent pas assez récompensés, plus les remarques de ceux qui veulent se faire voir, plus les « affaires », anecdotes et autres bugs. La sainte alliance de ceux qui veulent plus de fonctionnaires et de ceux qui en veulent moins, rester dans la zone euro et la quitter, va peser.
Maintenir le cap des réformes à faire pour moderniser le pays, en l’insérant dans la révolution technologique de l’information, est rude. Les entreprises doivent changer, tout comme les administrations ! Il faut que le capitaine devienne plus pédagogue certes, l’équipage plus uni et robuste aussi. « Gouverner c’est choisir » bien sûr, comme disait Mendès France, mais choisir est plus compliqué que jamais, car plus contradictoire que jamais. C’est le long terme par rapport au court terme, dans cette purée de pois !
Expliquer ce qui se passe, avancer et cantonner l’orage avant qu’il ne s’étende : bourses, croissance, chômage, migrants, c’est maintenant. C’est possible, sauf si on croit qu’il suffit d’affaiblir le capitaine, sans avoir de second.