Nvidia-Apple : quand les marchés boursiers poussent au crime

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 Nvidia-Apple : quand les marchés boursiers poussent au crime

Nvidia est au coude à coude avec Apple

Pour être la première capitalisation boursière mondiale. C’est 3550 milliards de dollars pour la première, contre 3670 pour la seconde, en fonction du jour sinon de l’heure. Mais la vraie différence est ailleurs : la société Nvidia a 31 ans, non 48 comme cette vieille pomme. Elle naît en 1993 à Santa Clara en Californie, mais préfère se faire immatriculer dans le discret Delaware. Apple naît à Los Altos en Californie en 1976 et demeure dans cet état. Nvidia se présente comme un éditeur de logiciels et un concepteur de circuits intégrés dont elle sous-traite la fabrication, comme Apple d’ailleurs. Il ne s’agit pas avec Nvidia de produits du quotidien, d’un clavier, d’un téléphone ou d’une montre. Apple s’est inscrite physiquement dans nos vies, qu’elle a chamboulées, tandis que Nvidia fait tourner de l’intérieur les machines électroniques toujours plus vite, en permettant plus de détails et de finesse graphiques, mais surtout en étant au cœur de la révolution de l’Intelligence Artificielle. Apple est partout visible, Nvidia partout cachée, mais elle permet le succès de la première.

 

Un duel pour la maîtrise du monde

Apple, par son image de pomme, incarne le désir. Nous sommes dans l’esprit de Steve Jobs, un de ses mythiques fondateurs. Nvidia, avec son logo, incarne un œil stylisé, celui qui voit plus loin et surtout avec plus de détails, même si son nom s’approche (volontairement) du latin invidia, l’envie. On nous dira même que c’est là un des sept péchés capitaux, interdit par le dixième commandement et qui mène à la haine. Apple est jouissance : nous chantons Imagine. Nvidia est plus trouble et dangereux : no time for losers.

En fait, ce duel boursier entre ces deux entreprises est une illustration de la révolution industrielle que nous vivons, avec ses risques. Il s’agit de faire de l’information une énergie motrice, après la vapeur et l’électricité, mais grâce à l’électricité bien sûr. Nous voilà partout informés des dernières nouvelles, idées et théories. Nous avons le sentiment de vivre plus vite que jamais, est-ce ensemble ? À quels effets cette résonance peut-elle nous mener ? ChatGPT est la plus belle illustration de cette rencontre. Il sait tout, nous aide à écrire des programmes informatiques, à trouver des molécules, à dessiner des fusées et des avions. Plus de paix et d’échanges, à moins que ce ne soit plus d’armes, d’autres formes d’échanges.

 

Un duel fou, car boursier

Ainsi, quelques jours avant que Nvidia donne ses comptes trimestriels, les bourses mondiales baissent, inquiètes. Nvidia aussi, certains actionnaires prenant leurs gains (on ne sait jamais). Tout le monde (au sens strict) révise ses promesses de résultats. Puis, quand la société les publie et qu’ils correspondent à ses annonces, les marchés boudent ! Pourquoi pas plus ? Que ça ! A quand une capitalisation de 4000 milliards de dollars ?

Le vrai drame de Nvidia est de ne pas être spectaculaire : une plaque pleine de transistors brandie par Jansen Huang, le président de la société. Nous ne rêvons pas, comme devant ces grosses lunettes qui nous informent et répondent au claquement de nos doigts (Apple Vision Pro), ou cette montre qui parle et mesure notre pouls en s’occupant de plus en plus de notre santé (Apple Watch), après les succès planétaires de l’iPhone et de l’IPad. L’attente est forte sur iOS 18.2, où Apple joue gros mi-décembre avec le lancement de l’iPhone 16 et son intégration croissante de l’Intelligence Artificielle. Pauvre Nvidia condamnée aux chiffres d’affaires et de résultats, à convaincre ses acheteurs mais pas nous, directement, de ses prouesses. Elles ne sont pas immédiates, pas concrètes. Elles doivent être interprétées : c’est pire. Nvidia qui « déçoit », ce serait la révolution en cours qui ralentirait, l’économie mondiale qui flancherait.

 

La révolution technologique n’est pas un tube

Mesurer une révolution qui prend au moins des décennies à l’aune de résultats trimestriels d’une seule entreprise, c’est la pousser à aller plus vite, à livrer des produits imparfaits sans qu’on le sache immédiatement, sinon à mener des innovations… comptables. C’est donc rendre le système boursier mondial tributaire de la diffusion de ses seules idées et innovations, comme s’il s’agissait d’un tube.

 

Quand l’envie guide le monde, c’est évidemment plus dangereux que lorsqu’il s’agit de croquer une pomme, et tellement moins agréable ! L’enfer ?