Turquie, Russie, Brésil, Afrique du Sud… le COVID-19 peut-il accélérer des crises financières ?

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La réponse est oui. Pour déterminer les pays en danger de crise financière, il faut croiser deux indicateurs : le pourcentage de personnes ayant été, ou étant, touchées par le COVID-19 avec la variation du change de leur monnaie par rapport au dollar, indicateur le plus sensible.

Turquie, Russie, Brésil, Afrique du Sud… le COVID-19 peut-il accélérer des crises financières ?

La pandémie passe des États-Unis en effet vers les pays les plus peuplés (Inde, Afrique du Sud) et demeure en Amérique Latine. En nombre absolu de cas, elle touche toujours les États-Unis en premier (6,6 millions), suivis désormais de l’Inde (4,7 millions) qui vient de dépasser le Brésil (4,3 millions), devant la Russie (1,1 million) et le Pérou (0,7 million). Si l’on raisonne en pourcentage de la population, le Qatar paraît le pays le plus affecté (4,3%) ou Bahreïn (3,4%), mais sans effet financier perceptible, les pays s’endettant ou sollicitant leurs fonds souverains, bien devant les 2% du Brésil (2,1%), du Chili (2,1%) et des États-Unis (2%), où les effets visibles sont plus dramatiques. Donc le nombre de cas ne suffit pas pour faire un diagnostic sur le pays.

 

Turquie : c’est un des pays à suivre de très près. La Turquie est en effet un des pays qui se trouve le plus au centre des troubles actuels, avec en plus un pourcentage très élevé de cas de virus (3,4%), surtout en hausse récente. Ceci explique en bonne part la baisse de sa monnaie : -18% depuis le début de l’année, malgré des interventions pour la freiner. L’inquiétude qui peut naître de ce pays vient de la baisse du PIB (11% au deuxième trimestre), en liaison avec le virus qui ne décélère pas, au milieu de tensions géopolitiques croissantes (notamment en Méditerranée). L’inquiétude financière vient en plus du fait que la baisse du change importe de l’inflation, actuellement à 11,8%, alors que les taux sont à 8,25%, la Banque Centrale n’étant plus indépendante. Elle intervient cependant pour soutenir la livre turque : les réserves sont ainsi passées à 40 milliards en dollars, contre un maximum de 120 en 2015, plus 40 en or, montant évidemment réévalué. Même si le pays n’est pas trop endetté, des risques de balance des paiements pèsent, ce qui handicape l’investissement.

 

Vient la Russie, où le rouble a perdu 21% depuis janvier. Ici encore, nous retrouvons le croisement : COVID-19, troubles géopolitiques, récession (-8% au 2ème trimestre) et cette fois baisse du pétrole. Donc les réserves seront utilisées pour stabiliser le change à partir d’octobre selon la Banque Centrale, ce qui a permis un certain retour au calme.

 

Brésil : le réal a perdu le tiers de sa valeur par rapport au dollar depuis janvier, pour des raisons moins économiques que politiques. Baisse des prix du blé, du bétail et du pétrole se coalisent, heureusement le prix du soja tient. Dans le deuxième pays du monde affecté par le nombre de malades, avec des chutes de l’activité (autour de 10%), grâce à des déficits budgétaires considérables (autour de 11% du PIB), le soutien monétaire est à son maximum (ou proche) : inflation à 2,4% et taux courts à 2%. Les taux ne devraient plus baisser, sauf catastrophe bien sûr.

 

Afrique du Sud : c’est sans doute le pays qui connaît la plus forte chute d’activité (-51% au 2ème trimestre), avec un nombre élevé et croissant de cas de COVID-19. Le taux de chômage est de 30% dans le secteur formel. Le rand a perdu 20% par rapport au dollar et le pays a et aura des aides du FMI.

 

Inde : son cas doit être examiné de près, car c’est le foyer mondial en expansion du COVID-19. L’activité a baissé d’un quart sur un an, surtout la reprise semble très lente. C’est ce qui explique le lent affaiblissement de la roupie –3% depuis janvier), dans une économie où cohabitent une inflation de 7% et un taux de chômage de 11.

 

Dans un tel contexte, les taux longs seront bas, l’inflation aussi, dans les grands pays. Les marchés financiers ont en effet entendu les patrons des grandes Banques Centrales, Jerome Powell pour les États-Unis et Christine Lagarde pour la zone euro et ont compris le message : les taux resteront bas longtemps, le temps que l’inflation dépasse 2%, ce qui n’est pas pour tout de suite. Pendant ce temps, ils achèteront les bons du trésor pour maintenir bas les taux et permettre la reprise. Les taux long réels sont négatifs, sauf pour l’Italie : même si les taux longs nominaux sont au plus bas, l’inflation y est négative (-0,5%) pour cause de récession, ce qui n’aide pas.

 

Les bourses refont leurs comptes : reprise certes, mais lente, avec même des risques de rechute si le virus se développe, profitant de « gestes barrière » pas très efficaces. Elles corrigent la bulle du Nasdaq, mais prennent toujours en compte la politique monétaire, qui favorise les groupes et les politiques de dividendes qui donnent un bon rendement. Des obligations risquées !

 

A quel jeu jouons-nous encore en France ? Le 11 septembre 2020, on compte ici  9406 cas. On peut dire que ceci est lié au dépistage, 10 millions au total, 153 000 pour 1 million de personnes, presque comme l’Allemagne, qui reste moins atteinte (3107 cas par million d’habitants contre 5726 en France), avec bien moins de décès : 112 contre 473 ici. Un sujet qui ne figure pas dans le plan de relance !

 

La crise sanitaire n’est donc pas finie : parler de « post-COVID » est prématuré.


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