Baisser les impôts de production, une urgence économique et sociale

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En France en 2018, les impôts de production représentaient 109 milliards d'euros. C'est autant que le total cumulé de 23 pays de l'Union européenne, dont l'Allemagne. Il faut diriger les moyens du futur plan de relance vers leur abaissement, écrit un collectif d'économistes et d'essayistes. Il en va du rebond de l'économie française.

Baisser les impôts de production, une urgence économique et sociale

© BercyPhoto

Dans le contexte redoutable généré par le Covid-19, il est légitime de s’interroger sur les leviers permettant de surmonter la crise économique historique à laquelle notre pays est confronté. Nous devons retrouver au plus vite un niveau de développement économique permettant de stopper puis de compenser la destruction de richesses et d’emplois hélas enregistrée.

Alors que la France va bénéficier d’un plan de relance important, il est indispensable de l’utiliser de la façon la plus productive possible, c’est-à-dire en créant les conditions du rebond. On a pu voir au cours des derniers mois que pour être dynamique et volontaire, notre tissu économique n’en était pas moins fragile. Pour lui permettre non seulement de surmonter la crise mais aussi de rebondir, il nous parait fondamental de diriger les moyens financiers mobilisés vers une baisse sensible et pérenne des impôts de production.

Les impôts de production regroupent notamment des taxes sur l’appareil de production (foncier, équipements, masse salariale…), sur le chiffre d’affaires ou sur la valeur ajoutée. Ils frappent les entreprises dans leur processus de production. Comme le rappelle l’Observatoire français des conjonctures économiques, ces impôts « sont indépendants des profits des entreprises, ce qui les rend insensibles à la situation financière des entreprises ». Ils ont le défaut de toucher « plus particulièrement les secteurs exposés à la concurrence internationale, comme l’industrie, qui concentrent relativement plus d’actifs soumis à ce type d’impôt ». Il y a quelques mois le Conseil d’analyse économique remarquait qu’un impôt comme la C3S réduit la compétitivité des entreprises « jouant comme une taxe sur les exportations et une subvention aux importations », « tour de force » qu’aucune autre taxe ne réussit.

Selon Eurostat, en France en 2018, les impôts de production dits « autres » représentaient 109 milliards d’euros. C’est autant que le total cumulé de 23 pays de l’Union européenne… dont l’Allemagne. L’essentiel de ces impôts porte sur les entreprises, avec plus de 70 milliards d’euros. En relatif, ces impôts de production représentaient 3,2 % du PIB, contre 1,6 % dans l’UE. Nos impôts de production sont 8 fois plus élevés qu’en Allemagne, qui se contente de prélever 0,4 % du PIB en impôts de production via les entreprises.

C’est peu dire qu’une telle fiscalité freine le développement de notre économie. Elle pénalise particulièrement l’industrie, comme le montrent les travaux de Rexecode, et les Entreprises de taille intermédiaire (ETI), comme l’illustre une étude récente d’Asterès.

De nombreuses voix s’expriment désormais en faveur d’une relocalisation dans l’Hexagone d’une partie de notre production, qu’il s’agisse de réduire notre dépendance dans quelques domaines stratégiques ou de favoriser les circuits courts, plus économes en ressources. Penser que ces objectifs peuvent être atteints sans une réduction importante des impôts de production relève de l’illusion.

Il y a quelques semaines, le ministre de l’Economie Bruno le Maire a annoncé une baisse des impôts de production de 10 milliards en 2021. Cette démarche doit être saluée, mais elle est insuffisante pour créer les conditions nécessaires au développement d’entreprises dont nous avons cruellement besoin pour soutenir la production et l’emploi. Sa réalisation laisserait toujours les entreprises en France dans une situation défavorable par rapport à leurs homologues européennes, sans parler de la comparaison avec les allemandes. Pour revenir dans la moyenne de l’Union européenne, il faudrait une baisse des impôts de production de 35 milliards d’euros.

Les premiers gagnants seront les consommateurs, les salariés et les chômeurs. Les impôts de production sont in fine payés par les personnes physiques : les entreprises répercutent ces impôts sur leurs consommateurs (avec des biens et services plus chers), leurs collaborateurs (avec des augmentations de salaires moindres) ou sur les actionnaires. En temps normal, c’est la collectivité qui paie les impôts de production, dont l’incidence va bien au-delà des entreprises qui les collectent. En période de crise, les entreprises incapables de reporter cette fiscalité réduisent leur développement voire cessent leur activité. La fiscalité de production entraîne inévitablement un cortège de faillites et de chômage.

La meilleure façon de créer les conditions du rebond et de l’indispensable rééquilibrage de nos finances publiques est de faire en sorte que notre tissu économique ne soit plus étouffé par cette fiscalité hors normes et contreproductive. Au-delà des entreprises, les consommateurs, salariés et chômeurs français ont besoin d’une trajectoire de baisse massive des impôts de production.

Les signataires : ce texte est signé par trente-deux économistes, essayistes, gestionnaires, fiscalistes et responsables de laboratoires d’idées :

Jean-Yves Archer (économiste) ; Olivier Babeau (Président de l’Institut Sapiens) ; Pierre Bentata (économiste et essayiste) ; Jean-Paul Betbeze (Professeur émérite à l’Université Paris II) ; Christian de Boissieu (Professeur émérite à l’Université Paris I) ; Nicolas Bouzou (Directeur fondateur d’Asterès) ; Jean-Marc Daniel (Professeur émérite à l’ESCP) ; Laurence Daziano (membre du conseil scientifique de la Fondapol) ; Frédéric Douet(Professeur de droit fiscal à l’Université de Rouen-Normandie) ; François Facchini (Professeur à l’Université Paris I) ; Denis Ferrand (Directeur Général de Rexecode) ; Jean-Marie Fessler (économiste de la santé) ; Didier Folus(Professeur à l’Université Paris Nanterre) ; Xavier Fontanet ; Gabriel A. Giménez Roche (professeur associé à Neoma Business School) ; Nathalie Janson (professeur associé à Neoma Business School) ; Jacques de Larosière (Président de L’Observatoire de l’Epargne Européenne) ; Erwan Le Noan (membre du conseil scientifique de l      a Fondapol) ; Sylvie Malecot (Présidente de Millenium I-Research) ; Nicolas Marques(Directeur général de l’Institut économique Molinari) ; Bertrand Martinot (senior fellow à l’Institut Montaigne) ; Grégoire Naacke (Directeur de L’Observatoire de l’Epargne Européenne) ; Jean-Jacques Perquel (Président d’honneur de l’Académie de Comptabilité) ; Cécile Philippe (Présidente de l’Institut économique Molinari) ; Dominique Reynié (Directeur général de la Fondapol) ; Robin Rivaton (essayiste) ; Christian Saint-Étienne(économiste universitaire) ; Frédéric Sautet (Professeur à la Catholic University of America) ; Marc Touati(Président du cabinet ACDEFI) ; David Versailles (économiste Paris School of Business) ; Daniel Vitry(Professeur émérite à l’Université Paris II) ; Nikolai Wenzel (Professeur à Fayetteville State University).


Les Echos

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