Le Père Noël est passé !

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Je sais, je sais : cette lettre arrive trop tard ! J’espère quand même que vous m'avez demandé tout ce que vous vouliez vous, mes chers européens : plus de PIB, moins de chômeurs et de déficit public, une Bourse plus ronde, des taux d’intérêt toujours aussi bas. Bref que dure cette thérapie de sortie de crise, alors que les Etats-Unis qui la reçoivent en doses massives n’en ont plus vraiment besoin mais vont la continuer et que la zone euro, qui vient de la commencer en doses homéopathiques en a massivement besoin, sans être sûre que ceci soit possible.

 Le Père Noël est passé !

Et vous, mes chers Français, j’espère que vous avez écouté les promesses de votre Président, de vos élus et candidats à la télévision : plus de bonheur à partager entre vous, plus du tout d’impôts nouveaux, une meilleure satisfaction des besoins économiques et sociaux dans le futur, une reprise économique qui vient peu à peu et un retournement, vers le bas cette fois, de la courbe du chômage. De la rigueur mais pas trop, plus de convivialité entre nous et avec les européens qui nous aident – pour qu’ils nous aident, et surtout pas d’austérité.

Mais je vous connais, mes chers Français, vous en voulez plus, et surtout de manière plus « juste ». Il vous faut non seulement un Père Noël égalitaire mais aussi supercalculateur. Hélas, je rencontre les limites de mon âge et plus encore de mon poste : il n’y a pas de Père Noël pour le Père Noël !

Mais je vais vous dire pourquoi je suis passé en retard. Ici en France, je déprime car je rencontre les limites de mes « cadeaux ». Car ici plus qu’ailleurs on oublie d’où ils viennent et on s’y habitue.

D’abord, j’adore écouter les Français parler de l’origine des « cadeaux » que je leur fais. Pour eux, c’est normal. « Le Président, le Premier ministre, ou tel Ministre, débloque x millions pour les écoles, les vieux, les malades… ». Débloque ? Ils étaient donc bloqués ? Mais dans quel réservoir secret ? Un coffre ? Un lac de montagne ? Et surtout, comment donc peut-on stocker de l’argent qu’on n’a pas puisqu’il faut, chaque jour, l’emprunter ? Mystère de la pensée politico-financière française.

Mieux encore. « Le gouvernement a décidé d’exonérer tel ou tel de charges salariales et sociales ». Ex-onérer : décharger d’un fardeau (onus). Quelle grandeur d’âme, qui implique donc – mathématiquement – que le surplus budgétaire va baisser. Mais que se passe-t-il si le pays est déjà en déficit ? C’est donc quelqu’un qui va être sur-chargé ou sur-onéré. Mais si ce sur-chargé refuse, peste, s’en va, avec les limites des impôts que les Français ressentent, alors il faut trouver un surchargé qui n’existe pas aujourd’hui. Ce sera l’enfant à naître. Il trouvera la dette laissée par ses parents, au pied du berceau, pas du sapin – dette auprès de Chinois ou de Japonais qui attendent. Tu parles d’un cadeau !

Ma hotte n’est pas sans fond. Pire, elle n’existe pas. Mais, bien chers Français, vous pensez au plus profond de vous que des ressources financières sont disponibles pour vous financer chaque jour et sans limite. « Parce ce que vous le valez bien ». Dans votre pays dit cartésien, on peut habiller mieux Pierre sans déshabiller Paul, sachant que les deux ne peuvent plus payer.

Ensuite, le pire, c’est qu’en France on s’habitue aux cadeaux. En français, on ne dit d’ailleurs pas « cadeau social » quand les retraites ou les remboursements de soins sont versés à partir de caisses en déficit ou proches de l’être. On dit « avantage acquis ». L’avantage acquis, c’est le cadeau attendu, escompté, et bientôt revendiqué, pour être ensuite augmenté. Dans la mesure où on ne se soucie pas de son origine, on n’a pas de raison de lui supposer de limites ! Les Allemands, tristement, parlent d’épargne, d’excédent commercial et budgétaire… Eux, ils s’achètent leurs cadeaux !

Les Français croient au Père Noël mais ne l’avouent jamais. Mieux même, ils croient à un Père Noël qui passe tout le temps, pensant que c’est normal et pour eux-seuls. Le Père Noël permanent pour tous, en voilà un « avantage acquis » !

Allez, je pars : à l’an prochain !

 

Également publié sur Atlantico.