Free Speech : en danger ou un danger ?

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 Free Speech : en danger ou un danger ?

20 janvier 2025 : executive order du Président Trump pour restaurer la Liberté de parole et mettre un terme à la Censure fédérale

On serait surpris, si on ne suivait pas le feuilleton, par ce texte signé par le Président Trump dans la foulée de son investiture. On pouvait penser que les Etats-Unis étaient le pays de la liberté d’expression. Tel ne serait pas le cas, sous l’effet des actions de l’Administration Biden, qui aurait exercé des pressions sur les plateformes d’information pour modérer ou supprimer les messages qu’elle n’approuverait pas. Selon Donald Trump, il s’agit donc de garantir ce droit, en interdisant à toute autorité publique de le réduire.

 

7 janvier 2025 : Mark Zuckerberg annonce la couleur

Le tournant se prend déjà et va marquer un changement majeur. Positif, négatif, ou pire ? Une Apocalypse, une Révélation diraient les Grecs. Voici que Mark Zuckerberg, le chantre de la (vieille ?) liberté de parole avec Facebook/Instagram/Meta, et défenseur de la modération des contenus qu’il diffuse, annonce qu’il ferme sa structure chargée de les contrôler. Ce seront mille départs dans le monde, départs que l’on imagine rapides.

En plus, Mark Zuckerberg critique le rôle des fact-checkers, dont les siens. Ils supprimaient ou atténuaient des propos jugés excessifs, xénophobes, antisémites, antimusulmans, anti-immigrés, antivax, climatosceptiques, anti… Autrefois appréciés comme éclairant les mouvements profonds de la population, à condition d’être pacifiés, les voici tenus comme les artisans d’une censure « politiquement biaisée ». Calmer les pensées, c’était les aplanir, désormais c’est les déformer, les trahir. Des « notes de communautés » vont arriver, pour signaler erreurs ou excès. Elles pourront conduire, après émission des messages, à des corrections ou même à des suppressions, mais « après coup » et accord de nombre de ces notes sur la décision. Expression non filtrée d’abord, pour que le récepteur apprécie librement, correction éventuelle ensuite.

 

Un tournant en épingle à cheveux

Mark Zuckerberg va plus loin dans son revirement. Il cite Elon Musk et X, son ancien pire ennemi, comme le modèle à suivre, chez lui puis ailleurs, dans une sorte de croisade pour la liberté. On peut penser que l’ennemi immédiat sera l’Europe, elle qui prétend défendre la liberté de parole, mais en limant ses excès : les plateformes y sont surveillées. Ce sera l’Europe d’abord, car Xi ne risque rien. La Constitution chinoise de 2018 précise en effet dans son article 34 : « Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté d’expression, de la presse, de réunion, d’association, de défiler et de manifestation » !

 

Musk, Zuckerberg, Trump : Free Speech ou Deal ?

Question majeure : le Free Speech est à la base de la Constitution américaine de 1791, avec les libertés de religion, presse, réunion, de s’assembler (pacifiquement) et de pétitionner. Premier amendement. Bien sûr, il n’est pas question d’être obscène, de diffamer, d’inciter à l’émeute où de diffuser des documents protégés, officiels ou commerciaux. Le Free Speech doit être correct.

Le nouveau est que cette liberté étendue de parole entrera en résonnance avec les prises de position politiques, idéologiques, morales les plus extrêmes, dans notre monde fait de réseaux sociaux, immédiats, anonymisés, riches et parfois infiltrés. Insultes et mensonges fusent déjà, avec montages de son et d’image de plus en plus délicats à détecter (avec l’IA), dans les masses qui déferlent.

Nombre viennent de puissances étatiques hostiles, avec leurs ateliers spécialisés. On aura reconnu la Russie et la Chine. Le Free Speech qui devait être l’apanage du renforcement démocratique pourrait devenir son affaiblissement et son détournement, avec l’éclatement d’une vision populaire non plus modérée et recentrée, mais brisée à l’extrême. Comment alors faire un deal ?

 

Free Speech, Free Russia, Free China ?

Il ne faut pas minorer ce qui se joue : ce sont les leaders financiers et technologiques américains, en lien avec Donald Trump, qui sont à la manœuvre. On peut imaginer que nous assistons au moment où la machine, qui dépasse l’homme dans de nombreux domaines, ce qui explique la mobilisation de la Silicon Valley, soit embauchée par les politiques. Ce dépassement ferait-il plus de mal à Poutine et Xi qu’aux Etats-Unis ? Il faudrait donc donner plus de liberté et d’informations à chacun, avec ce pari : AI = Anarcho-capitalist Intelligence ? Danger !