Faites votre référendum !

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Voilà quelque mois que le Président Macron en a parlé et que l’idée est désormais partout. Faire « son » référendum, non seulement pour « régler » des problèmes politiques et sociaux, en consultant « le peuple » et entrer ainsi dans l’histoire, mais aussi, peut-être, pour sortir plus tôt de l’Élysée : les politiques et les commentateurs ne perdent aucune occasion, soit pour changer de tête (de turc ou de liste), soit pour tout commenter, c’est leur métier. Donc, il faut faire très attention, surtout si on est Président, lorsqu’on lance cette idée. Certes, nous dira-t-on, le choix des types de question existe et plus encore celui des sujets, mais on sait bien que l’on répond plus à celui qui pose la question qu’au contenu de la question elle-même. L’histoire le montre.

 Faites votre référendum !

Référendums : on a le choix des types !

On a, en effet, le choix des types d’interrogations :

  • constitutionnelle : pour passer à la VIème, mais ce serait trop mélenchonien, donc trop anti-Macron ;
  • législative : pour approuver la fin des départements ou des régions par exemple, mais ceci fera tout de suite penser à 1969 et au départ de de Gaulle, donc assez anti-Macron ;
  • consultative : elle n’est pas juridiquement contraignante, donc inutile et plus encore anti-Macron !

 

Attention : la réponse ne s’oubliera pas

En 1965, le Québec, à 1% près des votants, n’est pas indépendant et la question ne se posera plus. En 2014, à 5% près, l’Ecosse demeurera longtemps dans le Royaume-Uni. En 2016, le Brexit est décidé pour s’éloigner de l’Union même si on regrette aujourd’hui. Depuis 1969, c’est craint de tous les Présidents français. Depuis 2005, pour la Constitution européenne, c’est « non » en France le 29 mai (55% contre 45%), le Président Chirac ayant préféré le Référendum au vote du Parlement (mauvaise pioche), avec une (longue) constitution (à lire bien sûr). Ce « non » arrête le processus européen de ratification, mais… conduit à une Conférence intergouvernementale qui donnera le Traité de Lisbonne le 23 juin 2007. Techniquement presque pareil, mais…

Moralité : le « non » au Président français pour une question française le fai(sai)t partir, mais ce même « non » fait contourner le refus si la question est européenne et pèse encore sur la pratique démocratique du pays, diront certains. Comment donc formuler aujourd’hui une question ?

 

Que voulons-nous ?

C’est la… question qui se pose aux électeurs et qu’ils pourraient poser au Président, en fonction de la réponse qu’il attend d’eux : compliqué. Aujourd’hui, pour avancer, il faut d’abord présenter les choix auxquels nous n’aurons pas à répondre. Ils pourraient concerner le futur (paix en Ukraine ?) ou nos préférences (paix en Ukraine ou à Gaza ?), mais aucune chance d’en décider, puisque ce qui s’y passera ne dépend pas de nous. Le référendum concerne toujours un choix binaire sur notre organisation économique ou sociale. Non pas : « que va-t-il advenir », nul ne le sait, pas plus que « qu’est-ce qui sera mieux pour nous », nul ne sait non plus, même pour rêver un temps. Il faut éviter aussi ce qui est trop compliqué comme : « pour ou contre la TVA sociale ? » « droit du sol ou droit du sang ? » ou encore « comment résoudre le problème de Mayotte ? ».

 

Pas facile

Comment donc poser une question qui impose une réponse par « oui » ou « non » et ne se retourne pas contre son auteur, mais plutôt ouvre un débat sur le sujet important que l’on souhaite traiter ? Un référendum ne peut résoudre en un dimanche des problèmes séculaires, il ne fait pas l’histoire, mais ferme des portes.

C’est trop lui demander de remplacer les hommes politiques qui sont là pour offrir des pistes : le débat est polarisé un temps sur un sujet. Les autres disparaissent. Le problème du jour est en fait le succès de l’idée de référendum : que révèle-t-il ? Sans doute un goût pour les solutions françaises simples, au moment où il n’y en a plus. Dans un monde plus compliqué et imbriqué que jamais, le Référendum est notre rêve éveillé de simplicité. Oui ou non : ce n’est plus possible maintenant, à supposer que cela le fut jamais.

 

Faites votre référendum ?

Dépassé, démodé, c’est donc fini dans ce monde des réseaux. Ce sera toujours plus compliqué. Désolé, mais il n’y a plus le choix du « Oui » ou du « Non ». Il faudra que le Président, et nous, nous fassions une raison. Le monde ne se fait plus en fonction d’une question posée dans un seul pays : la démocratie est (re)devenue minoritaire sur Terre. Réfléchissons avant d’en référer !