Économie de l’offre contre économie de la demande : une guerre si française !

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 Économie de l’offre contre économie de la demande : une guerre si française !

Rien ne nous plait plus que la guerre des principes, si loin du réel et des compromis. On dira ainsi « économie de la demande », pour fonder une « théorie » évitant politique de gauche ou hausse du SMIC, la « relance par la consommation » ayant mal vieilli depuis 1981. On mettra en face « l’économie de l’offre », avec sa « théorie », évitant politique de droite, « cadeaux aux entreprises », soutien au profit, ou encore « celle qui a si mal marché depuis que Macron l’a mise en place, comme Ministre des Finances ». On efface, par là même, la concurrence internationale qui passe outre les règles sociales, fiscales, environnementales, le Covid, l’Ukraine et Trump.

Avec ces batailles, on oublie surtout ce qu’on fait chaque jour en allant acheter du pain chez le boulanger. Évidemment on a l’argent en poche : la demande est donc solvable. Plus encore, on s’attend à ce que le boulanger ait du pain prêt, donc qu’il ait anticipé notre demande en préparant la pâte, en chauffant le four et en se levant tôt. Tout boulanger calcule une offre moyenne qu’il préfinance, ses ventes couvrant ses frais au fur et à mesure, son profit n’apparaissant qu’en fin de journée, frais fixes et variables couverts. C’est là son souci. S’il enregistre un profit et surtout s’il perdure, il va pouvoir innover, élargir son offre, investir, s’étendre.

Sans qu’elle le reconnaisse, l’économie de la demande vit dans l’incertitude du revenu mensuel du salarié, de son pouvoir d’achat, tandis que celle de l’offre vit dans celle d’une réussite quotidienne qui doit se répéter, permettant le revenu mensuel du boulanger, puis de ses salariés. Tout boucle. Il ne sert à rien d’opposer ces deux économies, si on oublie leurs interdépendances : offre et demande vivent dans deux temps différents, mais étroitement imbriqués. Qu’il s’agisse de pain ou d’autoroute, l’offre précède toujours la demande : l’offre de demain et d’après-demain dépend de la demande d’aujourd’hui et de demain.

Pas de surprise : quand cette guerre des logiques débouche sur celle des solutions, le « compromis » est très difficile. On entend au Parlement qu’il faut augmenter les bas salaires, maintenir, réduire ou repousser l’âge de départ en retraite, taxer plus les hauts revenus et patrimoines, ou les « très hauts » pour que personne ne craigne pour soi, avec une pincée de taxe Zucman pour ne pas censurer et sauver la face. Mais augmenter les bas salaires, c’est oublier que cette demande nouvelle fait immédiatement monter les coûts, se répercute sur les prix, peut aller ailleurs, vers des produits chinois. Le « gros argent » peut partir ; le petit et moyen gonfler son épargne, par crainte du chômage ou de la récession. Le profit, pour investir, est le juge de paix. Or ces deux économies se passent dans les têtes, dans les anticipations et les projets, jusqu’à modifier, en hausse ou en baisse, les trajectoires d’emploi et d’investissement des ménages et des entrepreneurs.

Rien n’est anodin dans ce qu’on entend, avec les excès, les chiffres alarmistes des programmes et des études, sous prétexte que les Français, étant « un peuple politique » (merci pour les autres), n’y prêteraient pas attention. Mais parier sur la solidité des entreprises ou sur la résilience des ménages, alias leur inertie, ne vaut que jusqu’à la réception des feuilles de paye, des factures et des impôts. Après c’est pire, et vite.

Plus tôt on fera cesser cette pseudo-guerre des deux économies, plus tôt on traitera les vrais problèmes, avec courage. C’est parce que l’offre précède toujours la demande qu’elle la guide, surtout par ces temps de révolutions technologiques, écologiques, démographiques et géopolitiques. C’est le soutien à l’offre qui est la solution pérenne : il faut voir plus loin et tenir, expliquer et s’armer de patience. Il faut répéter que réduire le déficit budgétaire prend des années, en musclant l’offre française et européenne, dans ce monde de protectionnisme côté américain, de dumping côté chinois. Taxer les entreprises, par les patrons, les hauts revenus, les dividendes, les actionnaires salariés, l’impôt, c’est réduire l’offre compétitive à long terme. C’est perdre. Pire, relancer la consommation par la hausse du Smic, avec des TPE et PME fragilisées, c’est perdre plus vite. Voir loin, comme l’exige le temps, c’est refuser cette pas drôle de guerre, « économie de l’offre contre économie de la demande ». Soyons vraiment Français !