École de journalisme : répondre aux critiques

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 École de journalisme : répondre aux critiques

Nous sommes ce jour dans un cours spécial de l’École de journalisme de ***. Le professeur a demandé à ses élèves de lui poser seulement des questions critiques sur ce qu’ils lisent ou voient dans les médias, Internet inclus.

Élève : On lit des articles sur les projets de référendum du Président, comment répondre en direct à une télévision qui fonctionne du matin au soir ?

Professeur : Je sais, il y en a de plus en plus, de ces chaînes qui émettent en permanence, avec de nombreux spécialistes et deux ou trois éditorialistes ou grands reporters, autrement dit des journalistes qui ont beaucoup voyagé. Dans cette situation, si vous posez les questions, lisez le support déjà préparé, faites-le avec une voix aussi intéressée que possible. Que personne ne puisse penser qu’elles sont bêtes, naïves ou que vous vous ennuyez. Et si vous devez répondre, soyez aussi sérieux que la personne qui vous interroge. Surtout, ne dites jamais que vous ne savez pas, que vous êtes spécialiste d’autre chose ou généraliste, encore moins que vous ne pouvez pas répondre à la question qui sera posée pour ce qui aura lieu mercredi, vu qu’on est lundi. Répondez au mieux.

Élève : Mais on peut tout rater : le Président est le seul maître du jeu.

Professeur : Bien  sûr, mais il faut toujours répondre. Tout le monde aura oublié ce que vous avez dit, sauf si vous restez muet ou dites que vous ne savez pas. Le journaliste qui vous aura posé la question sera vu comme celui qui vous a collé, et vous comme incompétent. Pourquoi a-t-il été invité, vont-ils penser en régie ?

Élève : Et pour les droits de douane de Trump avec la Chine ?

Professeur : Vous commencerez à dire que Trump veut réduire son déficit extérieur, ce qui montre la faiblesse de son économie. Vous continuerez en disant qu’il veut taxer les biens, ce qui montre que son problème est industriel. Vous finirez en disant que des taux à 145% avec la Chine sont intenables et faits pour être diminués, après un deal qu’il jugera gagnant, bien sûr. Vous ajouterez qu’il joue un jeu étrange : il dit qu’il va empocher des milliards de droits de douane, pour faire baisser ses impôts, alors que les Américains verront augmenter les prix des produits chinois qu’ils achètent, Apple ou quincaillerie. Ils diront alors que ce sont eux qui payent la baisse des impôts des riches, surtout si les taux d’intérêt au logement montent en même temps. 

Élève : C’est compliqué, et c’est perdant pour lui !

Professeur : Oui, mais attention de ne pas en faire un imbécile ou une victime. A la fin, ce seront les Américains qui paieront plus cher, Apple qui vendra moins, la Chine qui vendra plus de ses smartphones hors USA, donc des Huawei. Autre question ?

Élève : Sur le référendum ?

Professeur : Bien sûr, il faut éviter les questions sur l’âge de la retraite ou sur les OQTF non exécutés, en disant qu’une loi a été votée pour l’une, quitte à expliquer encore raisons et oppositions, et pour l’autre en parlant d’une diplomatie difficile avec l’Algérie et de textes de loi à revoir, pour les durcir. Questions pièges, car elles se retournent toutes contre l’exécutif avec une seule réponse : non ! Évitons l’immigation qui dépend des lois, des préfets et de la police pour leur application. Reste le problème majeur de l’organisation du territoire, de ce fameux mille-feuilles coûteux et complexe, dont on ne parle pas. Faut-il supprimer les départements et muscler les régions ? Que répondre ?

Élève : Ceci rappellera 1969 à mes parents !

Professeur : Oui et fit partir De Gaulle, d’où la peur que l’initiative ne se retourne contre son auteur. C’est toujours le risque : ne pas répondre à la question en se vengeant sur qui la pose. 

Élève : Et les inégalités, la pollution, les déserts médicaux ?

Professeur : Répondez toujours qu’il faut plus de moyens.

Élève : Et si on nous parle du déficit et de la dette ?

Professeur : Non. Jamais vous ne posez de question en soutien au gouvernement !

Élève : Et quand le Pape s’adresse le 12 mai aux journalistes et leur demande de « démilitariser leurs mots », c’est une critique ?

Professeur :  En son sens oui, lui qui veut la paix et s’oppose à tout ce qui peut exciter les passions.

Élève : Mais que serait un article sans titre, ni punchline ?

Professeur : Un journal sans lecteur, une TV sans spectateur !

Élève : Tous chômeurs ! 

Professeur : Oui, les trains qui arrivent à l’heure, les vols et viols qui n’ont pas lieu ne sont pas des nouvelles. A nous de trier.

Élève : Quel travail !