Derrière le leurre grec, la "route de la soie"

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Savez-vous que le monde entier n’est pas obsédé par Tsipras et Varoufakis ? Pendant que la zone euro se réunit jour et nuit pour prêter plus à un pays qui ne peut lui rembourser ce qu'il lui doit déjà, et qui entre en grève, le reste du monde s’occupe ailleurs.

 Derrière le leurre grec, la

Les Islamistes radicaux s’affairent. Ils affaiblissent encore la Tunisie et inquiètent davantage l’Egypte, avant le Maroc, poursuivant leur stratégie de déstabilisation régionale. Certes, des drones leur tuent un chef par semaine, mais leur expansion va plus vite que ce jeu téléguidé. Quel dommage !

L’Iran signe. Le pays semble d’accord pour produire sa bombe un peu plus tard (c’est promis), mais contre un abandon des sanctions qui aura lieu un peu plus tôt (c’est demandé). À court terme, l’Iran se remettra donc économiquement plus vite, produisant plus de pétrole. Ceci en fera rebaisser le prix, au risque de déstabiliser davantage la région (Etats du golfe, Algérie et Arabie saoudite notamment, sans oublier Brésil et Venezuela). En zone euro, on parlera alors de « gains de pouvoir d’achat des ménages » et de « désinflation ». Quelle perspicacité !

Moscou réunit les BRICS et ses amis. Les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – se retrouvent à Oufa, célébrissime ville du célèbre Bachkortostan, les 8 et 9 juillet 2015. Au menu, la New Development Bank à partir d’avril 2016, en sus des structures de financement régionales déjà lancées depuis deux ans. Et, surtout, le lancement d’un nouveau projet : la  » route de la soie ». Quel beau nom !

En même temps en effet, les BRICS invitent plusieurs autres pays. Ils sont huit pour la Shanghai Cooperation Organization (SCO : Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Russie, Tadjikistan, Ouzbékistan plus Inde et Pakistan) et cinq pour l’Eurasia Economic Union (EEU : Biélorussie, Kazakhstan, Russie, Arménie et Kirghizstan). Plusieurs pays, dont des BRICS, se retrouvent dans ces deux nouveaux groupes. Quel hasard !

Moscou invite, Pékin paye. Pékin développe ses réseaux grâce aux banques de développement qu’il monte pour aider la région et se faire des amis plus proches encore, indépendamment du FMI et de la Banque Mondiale. Le Japon n’est pas invité, pas plus que les Etats-Unis. Les États-Unis dissuadent même ses amis et alliés d’accepter les invitations chinoises. Ses amis et alliés acceptent. Le respect se perd. D’un côté, les États-Unis s’engagent de plus en plus auprès d’un Japon qui s’inquiète et s’arme. D’un autre côté, la Chine crée des ports militaires dans la région, notamment dans des îles désertes. Elle revendique des espaces maritimes qui appartiennent « normalement » à d’autres – notamment au Japon. Quelle surprise !

Une montée des tensions s’organise. Ce ne sera pas, comme au temps de l’URSS, sur fond idéologique, jusqu’à ces fusées qui devaient s’installer à Cuba. La Chine ne joue pas ce jeu-là. Ce sera sur fond économique. Et ce ne sera pas pour savoir qui a le plus de gens, le plus de surface ou le plus gros PIB. C’est pour savoir qui va gagner les batailles mondiales des technologies, des brevets, des normes techniques, en attendant les normes financières et comptables. En même temps, d’autres leurres se préparent côté chinois. Nous regarderons bientôt avec angoisse Taïwan et ses futures élections, où se « joue » un éloignement d’avec la Chine. Quelle pratique de Sun Tzu !

Le vrai étranglement concerne le Japon. La population est la plus âgée du monde et y croule sous la plus forte dette publique du monde, 2,3 fois son PIB. Elle la finance par ses banques et ses retraites. Ses banques et ses retraites sont donc sous pression. Ce qui résiste, c’est l’industrie. Ce qui sauve le pays, c’est qu’il est créditeur net et pourra tenir ainsi une dizaine d’années, sauf s’il s’arme plus vite. Quel suspense !

La stratégie chinoise est d’encercler lentement le Japon, de nouer toujours plus de liens dans la région et au-delà, contestant ainsi l’influence américaine. Nom de code : route de la soie. Quelle douceur !

Si tout continue ainsi, viendra un jour où les Etats-Unis devront accepter un Yen plus faible encore, puis soutenir les banques japonaises, puis acheter les bons du trésor de l’archipel ! En fait, la Grèce est un leurre ici pour cacher ce qui se passera là-bas. Bientôt, les Grecs seront remplacés par les Japonais, les Européens par les Américains. Les marchés financiers, qui voient tout bien sûr, sont roulés dans la soie. Pourvu que ça ne dure pas !

 

Voir sur ce sujet Le poids de la « route de la soie », le Zoom du 16 juillet.

 

Également publié sur Economie Matin.