Convaincre n’est pas vaincre. Mettre les élus devant leurs responsabilités, opposer la génération qui vient à l’élection qui se profile ne marche pas : on l’a vu. Un compromis est ce qui est promis pour être tenu, sinon tenable, entre ceux qui ont décidé de s’entendre.
Paris vaut bien une messe
La première punchline de l’histoire : si Henri IV ne l’a pas prononcé, pour se convertir au catholicisme et être couronné le 25 juillet 1593, tout se passe comme s’il l’avait fait. Son apostasie évite à la France une guerre de religion : ce n’est pas rien. Il faut savoir abandonner beaucoup de ce à quoi l’on croit pour éviter une crise majeure et obtenir l’accord « gagnant gagnant », comme on dit…
Savoir faire des discours
Il est impossible de faire carrière en politique sans réussir un grand discours. Il commence par un tableau de la situation, avec ses risques si rien ne change, avant de présenter les solutions possibles, avec leurs avantages et leurs limites, à affronter. Mais tout change vite, partout, et se complexifie. Rien n’est jamais gagné, ni perdu, d’avance. Rien ne marche en démocratie, de Périclès à nos jours, sans l’engagement complet de celui qui veut débattre, pour convaincre.
Relisons Pascal
Il raconte l’histoire de ce vénérable magistrat qui entre dans une église pour y écouter un sermon. Mais « que le prédicateur vienne à paraître : que la nature lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, si le hasard l’a encore barbouillé de surcroît (il s’exprime de façon confuse), quelque grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur. »
Pour parler, il faut se préparer. On regarde comment la femme qui parle est coiffée, ses vêtements, ses bijoux, sa posture. Pour un homme, on voit si son costume est froissé, son col de chemise ajusté, sa cravate bien nouée. C’est seulement après qu’on les écoutera, elle ou lui, mais on retiendra les « anomalies » décelées au début. Elles pollueront la suite : ces « détails » sont décisifs.
Réussir l’entrée
Il faut commencer debout, en remerciant l’assistance, avec une voix forte et claire (boire un peu avant). Les premiers mots, comme les derniers, doivent être travaillés pour être retenus : ils incarnent l’engagement, corporel, de celui qui parle. Il doit prouver par ses paroles, ses arguments, son raisonnement, sa conviction : c’est physique.
Une idée, une anecdote, trois chiffres
Le discours s’organise autour d’une idée majeure qui pousse à l’action ; par exemple : la France doit avoir plus de croissance pour avoir moins de dette. Ce n’est pas tant qu’elle dépenserait trop, elle dépense mal. Elle gaspille au détriment de sa croissance. Ce seront les « bonnes économies » qui permettent les « bonnes dépenses ». Trop de messages noient le thème central alors qu’il s’agit, en répondant aux questions de l’assistance (au Parlement), de montrer leurs liens avec ce seul thème. Ceci permet de multiplier les axes de réponses, en démontrant que les solutions convergent. Rien n’est pire que la rigidité. Une anecdote peut tout clarifier, en détendant l’atmosphère.
Les chiffres doivent parler, pour faire changer. Parler : on sait tous que la dette publique française dépasse 3400 milliards d’euros, 49 700 euros par habitant, avec 168 milliards de déficit. Changer : c’est là qu’il faut présenter les économies, mais avec des investissements qui permettront plus de croissance. Vient la première difficulté : consommer moins menace une croissance déjà faible et pèsera sur les appuis politiques que l’on cherche. Vient la deuxième difficulté : investir plus est un pari. Les investissements auront un rendement supérieur à la baisse des dépenses s’ils sont bien choisis. C’est un réglage délicat à exposer : IA, formation, améliorer et changer les organisations. Il n’est pas question d’austérité, mais de réussir dans l’ère technologique, géopolitique et démographique qui vient.
Préparer des slogans
Pas non plus de bon discours sans. Critiquer les concurrents ou les programmes adverses ne suffit pas : il faut soutenir la démarche et le moral. Avec MAGA, Donald Trump a tellement réussi. Il en rajoute alors avec ses sobriquets : sleepy Joe c’est Joe Biden l’endormi, too late Jay Powell le président de la Banque centrale qui baisse les taux trop tard. Mais c’est « trop » en France.
Marchander
Aujourd’hui, il faut abandonner d’abord pour gagner ensuite des appuis. Paris vaut bien 20 milliards d’économies « seulement », pas 40.
