Il faut analyser ce qui vient de se passer et en tirer les conséquences, égoïstement pour nous. Trump officiellement élu 47ème Président des États-Unis montre qu’il ne faut pas se disperser si l’on veut marquer les esprits et convaincre de voter pour soi. Donald, de fait, a orienté l’ensemble de la campagne : vers lui et vers la droite. C’est cette même orientation que l’on retrouve partout en Europe, notamment en Italie, Allemagne, Autriche et France, sans oublier l’Europe centrale. Les idées de Trump sont, partout, en mouvement. Comment ?
D’abord, Trump a divisé les États-Unis en deux ensembles. Les « regroupés » autour de trois préoccupations, angoisses souvent pour eux, et qui le suivent. Les « répartis » autour de plusieurs préoccupations, avec Harris. Les « trumpistes » se polarisent autour de l’économie, jugée importante par 93% d’entre eux (selon Pew Research Center, organisme indépendant), de l’immigation (82%) et de la sécurité (76%). Les autres soucis des « trumpistes » viennent après : 70% pour l’international, la Cour Suprême (54%), plus loin la santé et les armes (53%), même si ce n’est pas ce que l’on entend à leur sujet. S’armer, c’est la preuve de la liberté depuis le Deuxième Amendement de… 1791. Suivent à 35% l’avortement, à 18% les inégalités ethniques et, enfin, à 11%, le climat – ce qui ne surprend pas chez ce candidat qui entend « forer, forer, forer » (drill, drill, drill).
Ceci diffère très nettement de ce qui se passe pour les soutiens de Kamala Harris. Leurs préoccupations sont plus resserrées que pour ceux de Trump. 76% des « harrissiens » se disent ainsi préoccupés par la santé, 73% par la Cour Suprême, 68% par l’économie et 67% par l’avortement. Pour 62% d’entre eux, le climat compte, pour 59% ce sont les armes, 56% les inégalités ethniques, 54% l’international, 46% la sécurité. Tout cela est donc plus groupé. Plus loin, avec 39%, l’immigration clôt le classement. Rien à voir avec les 82%, deuxième des préoccupations des « trumpistes ».
Pas de surprise alors si Trump peut marteler ses idées : il a moins à frapper qu’Harris. Pas de surprise non plus si l’on peut, symétriquement, juger qu’Harris n’ « imprime pas » : elle a affaire à plusieurs thèmes jugés également importants par ses supporters.
D’où vient ce regroupement des préoccupations américaines ? Qu’annonce-t-il ? D’abord, qu’on le dise directement ou non, l’économie importe. L’inflation a atteint 9,1% l’an en juin 2022 contre 0,1% en mai 2020 : avec le Covid, le revenu réel américain a baissé de 1,8% en 2021, après des gains de 2,5% l’an avec Trump. Ce pouvoir d’achat en baisse est dans tous les esprits, même s’il augmente depuis de 2% en 2023 et 2024. Le revenu américain moyen retrouve son niveau d’avant Covid, comme si Trump venait d’être élu : 8 ans perdus, pensent beaucoup !
Ensuite, regardons le futur. La stratégie de la Fed (banque centrale) n’a pas été comprise. Avec le Covid, elle a augmenté ses liquidités pour éviter la déflation : normal. Puis elle augmente ses taux pour stopper la vague inflationniste qui a suivi cette aide : normal. Puis elle les baisse, comme actuellement, pour stabiliser les anticipations autour de 2% : normal ou trop lent ? Car, dans les esprits, c’est « l’inflation Biden », en fait l’inflation post-covid, qui pèse ! La Fed est-elle trop molle, à la hausse et à la baisse ? Ceci alors même que les politiques de rapatriement d’activités jugées stratégiques aux USA, plus le protectionnisme, vont la faire remonter ! Les politiques Trump-Biden, voulues par Trump, vont jouer : silence. Pas un mot non plus sur les investissements nécessaires pour réduire les effets des changements climatiques, ni sur cette révolution technologique qui chamboule tout. Pas un mot non plus de Harris contre le programme économique de son adversaire, plus inflationniste que le sien, ni contre ses projets de privatisation de la santé et, pire, de réforme de l’état. Ils plaisent encore plus à Poutine (et à Xi) qu’à Elon Musk. Lui, en « libertarien » (comme on dit poliment) y trouve quelque intérêt intellectuel, ou peut-être financier. Pour eux, c’est plutôt la désorganisation de leur principal ennemi qui plaît.
Mais la simplification du message trumpien n’est pas, seulement, à usage américain : quand le peuple décide, il doit intégrer plusieurs problèmes. La démocratie, c’est se battre pour la liberté dans un monde de plus en plus complexe. L’autoritarisme, c’est simple.