Etats-Unis : la cassure de l’emploi routinier

- Ecrit par

 Etats-Unis : la cassure de l’emploi routinier

Source : Rob Valletta, Higher Education, Wages, and Polarization, FRBSF Economic Letter, janvier 2015

 

Aux Etats-Unis, la sortie de crise est une mutation des emplois, avec plus de technologie partout, mais pas seulement : plus de relationnel.

Plus de technologie partout, avec comme conséquence directe le fait que les salaires de base croissent peu tandis que ceux correspondant à des salariés éduqués accélèrent. Ainsi, les salariés ayant au moins un diplôme d’université (college degree) gagnaient en 1979 35 % de plus que ceux ayant suivi des cours d’enseignement secondaire (high school). Cet écart passait à 60 % dix ans plus tard (1990) pour atteindre 80 % actuellement. Certes, la progression des salaires des diplômés a ralenti avec la crise, mais elle s’est quasiment arrêtée pour les moins diplômés.

Plus d’autonomie et de relationnel surtout, voir le graphique, diplôme ou pas, travailleur manuel ou pas. Ainsi, à côté de la différence aisément mesurable par le diplôme vient une autre fracture, de plus en plus en plus importante, selon que le travail est plus ou moins routinier, manuel ou non. Le salarié « non-routine cognitif » est évidemment le mieux payé, le mieux formé (management, droit, médecine…), avec un fort degré d’autonomie, en liaison avec ses compétences. Leur nombre progresse encore de 1,2 % par an entre 2007 et 2014 (contre 2,8 % par an de 1983 à 2000 puis 1,6 % l’an de 2000 à 2007). En face, l’autre groupe « résistant » est celui des salariés offrant des services adaptés (préparation de la nourriture et services, travaux de maintenance, emploi médical à domicile, services de transport et de sécurité). Ces travaux ne requièrent pas nécessairement de diplômes élevés, mais ils impliquent de l’adaptation permanente. Autrement dit ils ne sont ni « robotisables », ni exportables : ils sont relationnels. Conséquence, après avoir crû de 1,5 % l’an entre 1983 et 2000, ils augmentent de 2,2 % l’an avant la crise (de 2000 à 2007) pour croître de 1 % l’an depuis.

Les emplois qui ont le plus souffert sont « routinisables », autrement dit mécanisables, qu’ils soient effectués par des « diplômés» (emplois de bureau) ou par des « manuels » (emplois répétitifs ou de surveillance). Leur nombre a baissé de 1,1 % l’an entre 2007 et 2010 pour les diplômés et de 1,3 % par an pour les manuels, ceci après une période de quasi-stagnation pour les deux, de 2000 à 2007.

Ainsi, derrière la stagnation globale des salaires américains, il y a une polarisation, d’un côté vers l’autonomie liée au diplôme, de l’autre vers l’autonomie liée au service à la personne. Le robot travaille donc de plus en plus « au centre des qualifications », en lieu et place des salariés qui les exerçaient.