Que chaude soit la rentrée !

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 Que chaude soit la rentrée !

Il ne s’agit pas là de réchauffement climatique, mais d’une prévision en forme de souhait que l’on trouve, bien souvent, dans nombre de médias et chez quelques partis politiques. On peut essayer de les comprendre.

D’un point de vue médiatique en effet, il est plus facile de filmer une police qui charge des groupes de manifestants, des voitures qui flambent ou, à défaut, des poubelles, que de disserter sur un déficit public excessif ou un euro trop faible. Les foules qui crient, les pancartes et surtout les gaz lacrymogènes sont merveilleux, surtout en contre-jour. On interviewera ensuite les manifestants qui se plaindront de l’inertie de la police au moment où se regroupaient des « groupes incontrôlés », par eux-mêmes sans le dire, ou encore de son nombre excessif et toujours de sa violence. On écoutera, très peu, quelques propriétaires de magasins détruits et jamais ceux de voitures incendiées : pour les Porsche, c’est normal, pour les véhicules moyens, c’est tant pis pour eux. Car on aura bien compris que cette violence n’est pas gratuite, anarchiste ou gauchiste (mot désuet), mais contre « le pouvoir », incarné aujourd’hui par Emmanuel Macron, donc explicable, légitime, pardonnable. Les politiques d’oppositions entrent alors en scène.

Avant et avec les élections, la tension n’a cessé de monter. Malheureusement, nous avons raté le duel Macron-Mélenchon, en dépit des commentaires et des sondages qui y poussaient. Pour nous rattraper, nous avons désormais une Chambre éclatée, où il s’agit de crier plus et de dépenser davantage. Pendant la canicule, temps où les députés se ressourcent, les pouvoirs publics furent responsables des forêts mal entretenues et des avions Canadair en trop petit nombre. Pendant les trombes d’eau qui suivirent, faute de responsables élyséen ou matignonien, un pesant silence s’installait, qui ne pouvait durer, et la pénurie de vaccins contre la variole du singe n’étant pas un sujet suffisant. Le calme menaçait.

Heureusement la politique fourbit toujours ses armes, tandis que l’économie soulève de dramatiques questions, qu’il faudra un jour affronter. Partout l’inflation monte, donc partout les taux des banques centrales montent, avec l’idée de plus en plus explicite d’en attendre une récession salvatrice… Un orage contre la canicule. Difficile de l’éviter aux États-Unis, avec une inflation à 8,5% et des taux courts à 2,5%, impossible au Royaume-Uni, avec une inflation qui « culminerait » à 13% en octobre, selon la Banque centrale anglaise elle-même, tandis que ses taux sont encore à 1,75%. Et que dire de la Banque centrale européenne, qui s’accroche à son ancre d’une inflation à 2%, tandis qu’elle atteint 9,1% avec des taux à 0,5% (!) et qu’elle prépare un bazooka qui achèterait surtout des bons du trésor italien, pour éviter que ce pays ne fasse défaut, faisant exploser la zone.

Que dire surtout quand le monde est au bord de la récession ? Autre chose.

En France, dire qu’il faut augmenter les salaires et les retraites, pour compenser la perte de pouvoir d’achat, et plus encore ceux des enseignants et des personnels médicaux, qui tous le méritent, et ne pas pousser les salariés à prendre plus tôt une retraite tant méritée. Aucune manifestation, des murmures au centre et à droite, seuls les taux longs montrent des signes d’inquiétude. Et partout refuser de dessiner une France à 10 ans dans le CNR, Conseil National de la Refondation.

Le débat devient plus tendu pour équilibrer le budget.

  • Économiser ? Mais « c’est le retour de la rigueur », menace et slogan qui mobiliseront des énergies. Donc : non !
  • S’endetter plus ? Mais ce sera plus cher, sauf si on s’engage à rentrer au plus tôt dans les clous maastrichtiens, pour calmer les prêteurs. Non : pas de ces ratios !
  • Sauf si on compte sur le bazooka de la BCE pour acheter nos bons, étant entendu qu’on lui dira qu’il n’y a pas de raison « technique » pour qu’on la rembourse. Mais non, dira alors la BCE : pas question de prêter si ce n’est pas pour changer, mais pour continuer à ne pas le faire !

Croître plus, alors ? En investissant plus ? Bonne idée, s’il est exclu d’augmenter les profits. En travaillant plus ? Mais on travaille déjà 1511 heures par an en France en 2019, contre 1383 en Allemagne ! Faux : il y a beaucoup de temps partiels en Allemagne, en corrigeant, l’écart tombe à 3,5%. En étant plus à travailler ? Plus de jeunes en apprentissage et la retraite à 65 ans ?

Ça y est : nous l’avons notre chaude rentrée !