Presidentielle americaine : quatre leçons

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 Presidentielle americaine : quatre leçons

 

  1. Qui sera le 46ème Président des États désunis ?

A priori Joe Biden, depuis la prévision pour l’état de Pennsylvanie qui apporte ses 20 grands électeurs, lui faisant dépasser la barre décisive des 270. Cependant, Il faudra attendre les décisions des tribunaux saisis par Donald Trump, voire que la Cour Suprême statue.

Si c’est bien Joe Biden, il ne pourra pas avancer de décisions fortes sans avoir consolidé sa base (entre modérés et gauche), puis noué des alliances avec des Républicains au Sénat. En effet, en supposant qu’il aura été élu contre Donald Trump, même avec le plus grand nombre de votants et le plus fort taux de participation de l’histoire américaine, il va s’y trouver coincé par un Sénat qui devrait rester Républicain. Or c’est le Sénat qui vote in fine le budget, notamment le plan de soutien économique, si nécessaire aujourd’hui. L’économie faiblit, avec la résurgence du virus, et le Sénat Républicain ne veut pas d’un plan trop important. Ce serait trop aider Biden, même au prix des coûts sociaux de ce choix. Donc : reprise rabotée et inquiète.

Si c’est Donald Trump, il aura le Sénat avec lui : il n’osera plus s’opposer à un plan important ! Il oubliera ses craintes d’un creusement du déficit : la Fed sera là pour acheter et le dollar tiendra, puisque l’économie repartira et qu’il n’y a pas d’autre grande monnaie ! Donc : plus forte reprise, mais plus inquiète dans un environnement plus dur.

 

  1. Les États-Unis ne pourront plus guider les pays démocratiques.

Pour diriger, sinon guider, il faut être un modèle. C’est être économiquement et monétairement fort, ce qui est le cas américain, et uni à l’intérieur derrière des valeurs globales, ce qui est le problème. Or, le spectacle du Président de la plus grande démocratie du monde par l’économie tentant de freiner le comptage des votes, attaquant les résultats pour fraude devant les tribunaux, dès lors qu’ils lui sont défavorables, envoie un terrible message au monde développé et émergent. Pourquoi vouloir des votes honnêtes ici ou là, en Russie ou en Biélorussie ? Pourquoi vouloir voter à Pékin ?

 

  1. Les États-Unis sont arrivés à la fin du modèle d’équilibre politique et social de leurs Pères Fondateurs.

Les Pères Fondateurs, pour modérer l’influence des grandes villes et des grands états, jugés par eux trop avancés, libéraux ou « à gauche », avaient décidé qu’ils auraient tous le même nombre de Sénateurs : 2, dans un Sénat qui aurait, au sein du Congrès, prééminence sur l’autre Chambre, celle des Représentants, représentative elle des votes populaires. C’est également le Sénat qui nomme les juges importants, notamment à la Cour Suprême. Disons-le : les Pères Fondateurs se sont toujours méfiés des grandes villes, leur préférant « le pays profond » des villes petites et moyennes, et la campagne. Si l’on décalquait ici ce modèle, le Sénat aurait prééminence sur la Chambre des Députés, avec 202 membres (2 par département) contre 348 actuellement ou, mieux encore, avec 26 membres : 2 Sénateurs par région !

Or les États-Unis bougent, pas le Congrès. Si Joe Biden est élu, l’écart entre les poids politiques du Président et du Congrès va devenir une source croissante de tensions, le Sénat pouvant s’engager dans une politique d’obstruction. Il pourrait aussi auditionner Hunter Biden (fils de Joe Biden) sur ses (lucratives) activités en Ukraine, pendant que son Vice-Président de père était en charge de surveiller ce pays ! Il ne faut pas être surpris de cette version américaine (et moderne) de l’Inquisition ! Si c’est Donald Trump, tout se portera sur les prochaines élections partielles au Sénat, dans deux ans. Il ne faut pas être surpris, non plus, de cette version américaine (et moderne) de la IVéme République !

 

  1. Biden ou Trump ? La nature aujourd’hui dominante des États-Unis se manifeste : le jacksonisme.

La statue de la Liberté éteint sa torche. Le nation building en Irak est du passé, comme en Afghanistan ou au Vietnam. Revoilà Andrew Jackson, Président en 1828 et réélu en 1832. Il se voulait the friend of the common man ! Hostile aux élites, il ne croit pas à une mission particulière des Etats-Unis, mais souhaite renforcer la sécurité et la prospérité du peuple américain. Ce qui l’intéresse, ce sont les petites communautés, dont les membres, patriotes, gardent leurs fusils. Make America Great Again, c’est le retour sur soi, en effrayant les voisins pour qu’ils signent de bons deals, en demandant aux « alliés » de s’armer.

 

Compris ?