Marchés, gardez-vous à droite. Marchés, gardez-vous à gauche !

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 Marchés, gardez-vous à droite. Marchés, gardez-vous à gauche !

Pauvres marchés financiers, si déséquilibrés après un mois de changements de pied en France (mais pas seulement en France : regardons l’Allemagne qui doit établir son budget), eux qui aiment tant savoir s’il faut acheter ou vendre !

De fait, les élections dites européennes ont envoyé ici un message sur la peur de l’immigration. Ce coup de semonce a été dramatisé par une dissolution qui a polarisé les oppositions. C’est la question de la nationalité qui domine à droite, contre celle du pouvoir d’achat à gauche.

Face à cette configuration, le Rassemblement national se rue vers l’immigration, passant sous silence le débat sur le salaire. Erreur majeure. C’est le piège béant, jusqu’à la mise en cause de la binationalité, pourtant la preuve pour beaucoup d’une intégration réussie. Face à ce risque, les désistements au deuxième tour contre le Rassemblement national n’ont qu’à suivre : les triangulaires fondent. Jordan Bardella n’aura pas la majorité absolue qu’il jugeait indispensable pour pouvoir mener sa politique anti-immigration. Il s’en plaindra, se posera en victime d’une machination, mais n’oubliera quand même pas ses députés, significativement plus nombreux qu’avant (143 avec alliés contre 89). Il n’a donc pas tout perdu ! Il attendra que la note de la France soit abaissée par une ou deux agences de rating ou bien que le projet de budget soit défait à la rentrée pour revenir dans la course. Mais laquelle ?

En face, aucun leader du Nouveau Front Populaire n’aura donc non plus mathématiquement de majorité, et moins encore le groupe Ensemble pour la République, grand perdant de toute cette opération. Alors, plus rien ne serait donc possible pour « changer la société » ?

« Changer la société » : l’expression, si ce n’est le slogan, fleure bon la campagne (électorale). En réalité, rien ne permet de changer la société en démocratie : on ne change pas de peuple. Évidemment, et heureusement, il est toujours possible d’améliorer des règles et des rouages. C’est plus que normal dans des sociétés complexes : indispensable. Mais inutile de rêver : rien ne change radicalement sans péril, dans un même système de vote et avec une même Constitution. Il n’est pas ici question de peur de l’inconnu, comme on l’entend souvent, mais d’une double incertitude à affronter : celle de la résistance de la société civile face à de brusques changements de règles, et celle de la solidité de la société économique face à des chocs fiscaux. Le Rassemblement national a opposé la démographie, en baisse, à l’immigration, en hausse. La France Insoumise oppose, de son côté, l’offre, sujette à la concurrence internationale, à la demande, qu’elle veut canaliser en interne. Aller trop vite d’un côté, c’est risquer le fascisme, d’un autre c’est la faillite.

Surtout, ces deux approches oublient la réalité que nous vivons : la bipolarisation de la société du fait de l’écrasement des « classes moyennes ». Ce n’est pas tant l’usure du pouvoir qui est en cause que la concurrence internationale, entre États-Unis et Chine, sans oublier les règles de Bruxelles, Amazon, ou encore la lutte menée contre l’inflation… sans oublier Chat GPT.

Car tout ceci se passe en effet en pleines révolutions industrielle ainsi que climatique. La démocratie, par son système de vote à un ou deux tours, fait en sorte de se positionner au centre, un peu à droite ou un peu à gauche, avec des forces de rappel propres à corriger des excès. La situation que nous vivons est celle de trois groupes où, si aucun ne bouge, le budget sera exécuté par douzièmes, la dette ne pouvant qu’augmenter. Mais le « bon vouloir des marchés », en fait des banques et des assureurs français de « faire leur devoir », ne saurait durer. Les taux publics monteront et la bourse baissera.

C’est parce que la technologie et la géopolitique changent que la politique doit changer, mais rien n’est simple si chacun se fige. On découvre que la majorité absolue corrompt absolument, mais que si la majorité relative corrompt relativement, elle n’est pas pour autant plus malléable. Chacun regarde tous les autres, soucieux du moindre mot. Mais ceci ne peut convenir aux leaders extrêmes et à leurs stratégies, plus « nationales » ou plus « insoumises » que jamais, qui les éloignent d’un barycentre acceptable.

Les marchés attendent. Impatients, ils voient qu’il faut bien plus de temps pour proposer un Premier ministre que pour écrire un programme économique. Gardons-nous !