Sauver le billet ? Quelle question ! Non, le billet n’est pas mort en zone euro, au contraire, et moins encore en France ! Le montant d’euros billets a augmenté de 9% en zone euro sur un an, pour atteindre 1 500 milliards, et de 11% en France pour approcher 175, soit 8% du PIB ! Et ceci malgré tout ce que l’on a entendu contre le billet, véhicule du COVID-19, et pour les nouvelles technologies, qui nous permettent de payer avec le téléphone, la montre, en plus de nos achats directs par e-commerce, donc sans lui. Alors, la progression de ce billet dangereux et dépassé serait temporaire ?
Sauver le billet ? Quelle audace ! On nous répète que c’est le billet qui permet aux riches de l’être plus, en l’accumulant au-delà des besoins, au détriment des pauvres. C’est lui qui permet de payer le taxi ou le restaurateur moins cher. D’ailleurs ils nous sourient quand ils le voient, tant il est hors impôts. C’est lui, aussi, qui permet de payer le salarié précaire ou l’apprenti en lui donnant un complément de salaire hors charges et retraite. Et c’est enfin lui qui permet au maffieux de collecter sa « redevance » chez le commerçant et le patron qu’il « protège ». Et que dire de celui de la drogue ou du crime ?
Sauver le billet ? Mais il sert longtemps et beaucoup, même si c’est moins qu’avant ! Il vit longtemps : 5 ans et demi pour le 10€, qui circule beaucoup et 13 pour le 200€, plus « paisible ». Il sert aux jeunes : c’est l’argent de poche des petites coupures. Pour les « moins jeunes », au-delà de 70 ans, il est simple, pratique, sûr, et ils y sont habitués ! Mais il faut le reconnaître : son rôle diminue. En 2019, la France se place parmi les pays qui, en valeur, l’utilisent le moins : 25%, avec les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, la Finlande et l’Estonie, rien à voir avec l’Espagne (66%), l’Italie (58%) et l’Allemagne : 51% !
Sauver le billet, dont on ne sait ni où il est, ni où il va, en France ou ailleurs ? Oui : les grosses coupures sont appréciées. Les billets de plus de 100€ représentent près de la moitié de l’encours total en zone euro, dont 13% pour les billets de plus de 500€, rarissimes ici. En France en effet, la part des coupures de plus de 100€ baisse tandis que les 50€représentent 56% de l’encours. C’est le « gros billet » ici et il circule, pas seulement thésaurisé. Nous ne sommes pas en Allemagne.
Sauver le billet, c’est donc aider les pays fragiles voisins de la zone et en Afrique, puisque la moitié s’y trouve ! En effet, 20% des billets servent en zone euro pour acheter et vendre, 30% y sont gardés, et les autres 50% partent ! On les retrouve dans des pays de l’Est qui pensent à un rapprochement avec la zone euro, s’inquiètent de leur économie ou de leurs banques. C’est surtout le cas en Afrique, avec des billets ramenés par les migrants ou payés par les touristes. L’euro constitue une super encaisse de précaution dans des pays instables avec forte inflation, taux de chômage et devise en baisse. Supprimer le billet ici, c’est ne pas du tout aider là.
Sauver le billet aujourd’hui, si demandé pendant la pandémie, mais encore gardé et qui freine la reprise ? De fait, la pandémie, comme toutes les crises violentes, montre « le paradoxe du billet ». On le recherche fiévreusement, avec des queues devant les distributeurs automatiques, mais pour ne pas l’utiliser ensuite. Il suscite une surépargne en billets, jointe à une autre en banque, faute de consommer, notamment en services – confinement oblige. C’est toujours pareil, comme en 2008 avec la crise financière ou face à des tensions sociales : le billet est ce qu’il y a de plus sûr pour l’avenir proche. Mais aujourd’hui il faut le dépenser pour alimenter la reprise et financer les entreprises : alors, le tuer pour qu’il le fasse ? Attention !
Sauver le billet, quand la Banque centrale européenne et la Banque de France veulent lancer des monnaies digitales moins chères et plus rapides que le chèque et la carte ? C’est pour mieux défendre l’euro, disent-elles ! L’e-euro, contre les monnaies informatiques privées comme le Diem (la monnaie des GAFAM) et le e-Yuan, ou même pour freiner le futur e-dollar ? La concurrence monétaire mondiale s’informatise. Alors conserver le billet évite de mettre toutes ses liquidités en banque, avec les inquiétudes qui naîtraient d’une crise bancaire ou en zone euro. Sauver le billet pour aider les ménages inquiets, les banques et les pays fragiles où il va ? Oui, mais pas forcément les 100, 200 ou 500€ !