La Turquie et l’Égypte sont confrontées à des difficultés économiques. Mais la crise touche également la Tunisie, le Liban, l'Argentine et le Sri Lanka. Les pays occidentaux sont également impactés par la récession et l’inflation.
Nous ? C’est pour bientôt, avec cette crise qui vient et enfle depuis des pays longtemps fragiles. Covid 19 + attaque russe de l’Ukraine + inflation + hausse des taux : voilà le terrible cocktail qui bouleverse, aujourd’hui, les économies dominantes du monde, jusqu’à les faire peut-être chuter.
Turquie d’abord : le Président Erdogan, qui préside en fait la Banque centrale turque, après plusieurs licenciements de gouverneurs qui ne suivaient pas ses « conseils », vient d’abaisser de 14 à 13% ses taux d’intérêt à court terme. Entretemps, l’inflation vient de passer à 79,6% sur un an, par rapport à 78,6% le mois précédent. Une politique monétaire expérimentale sans doute se met donc en place, même si la croissance ne l’entend pas (encore) de cette oreille, ne cessant de décélérer. Mais les marchés financiers ne cherchent plus à comprendre, puisqu’il faut 18,2 Lires turques pour avoir un dollar, alors que 8 suffisaient il y a un an, 6 en 2019 et 2 en 2014. En s’interrogeant sur les raisons derrière ces choix, on pourrait au moins penser que cet effondrement du change aiderait à exporter plus, de façon à équilibrer la balance des paiements courants (biens et services plus revenus financiers), or le déséquilibre se creuse. Même si l’exportation est évidemment facilitée par la chute du change, encore faut-il que les devises soient rapatriées. Mais le déficit cumulé des comptes courants augmente, atteignant 13 milliards de dollars cette année ! Face à cette fuite devant la monnaie nationale, on peut comprendre l’étrange politique du Président Erdogan qui multiplie les alliances, comme s’il s’agissait d’atténuer ses risques en les répartissant : un jour avec Poutine, un autre avec Zelenski, un jour à Téhéran, un autre avec Israël, sans oublier la Chine, en attendant sans doute de devoir accepter l’entrée de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Tout ceci suffira-t-il à obtenir le soutien du FMI ?
Égypte ensuite : après 5 mois consécutifs de baisse des réserves de change, il reste de quoi payer 5 mois d’importations aujourd’hui. Il faut ainsi plus de 19 livres égyptiennes pour avoir un dollar, après le brusque décrochage de mars 2022 de 15,6 à 18,5, soit le taux de change le plus bas depuis 2016. L’ancre de l’inflation à 2% continue de déraper. Pas de surprise donc, si l’on compte (officiellement) 13,6% d’inflation urbaine, contre un objectif de 7%, sachant que la croissance atteint, officiellement elle aussi, 5% sur les quatre derniers trimestres, contre 8% en glissement sur le trimestre précédent. La décélération est donc nette. Pas de surprise non plus, sans doute, si le Gouverneur de la Banque centrale vient de démissionner, en attendant là aussi un nouveau prêt du FMI qui en serait peut-être facilité.
Turquie, Égypte : la liste n’est pas close, sachant les problèmes de la Tunisie et ceux, plus graves encore, du Liban, sans oublier ceux de l’Argentine, de l’Équateur, du Surinam, de la Zambie, du Sri Lanka maintenant. Et du Pakistan ?
Surtout, la liste n’est pas close quand on voit les grands pays qui tangentent actuellement la récession : États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, plus le ralentissement chinois qui est difficile à masquer, sous le double effet de l’inflation qui rabote la consommation et de la hausse des taux d’intérêt pour la contrer, sans oublier le Covid-19 renaissant. Le FMI calcule ainsi, fin juillet 2022, que la croissance ralentira, passant de 6,1% en 2021 à 3,2% cette année, en attendant les 2,9% promis en 2023, soit une baisse de 0,4 et 0,7 point de pourcentage par rapport à ses chiffres publiés en avril. C’est là un ralentissement essentiellement expliqué par ce qui se passe aux États-Unis, en zone euro et en Chine.
Bien sûr, aucun pays ne tombe dans de graves difficultés sans avoir connu des problèmes économiques, avant l’estocade financière. Partout les risques montent, plus dangereux pour les trop petits. C’est ce qui explique la puissance américaine, plus grande encore en termes militaires et financiers qu’économiques. Le dollar est la monnaie d’épargne du monde, « garantie » par les États-Unis et la monnaie favorite d’emprunt, ce qui devient dramatique pour les pays endettés en dollars et qui renforce la puissance du FMI. Aujourd’hui, cette course entre inflation et taux d’intérêt, qui entraine le dollar, vient cette fois des États-Unis.
Le dollar devenu pyromane ? C’est bien ce qu’a compris la Russie, qui convertit en Renminbi tous les milliards qui lui viennent du blé, du gaz et du pétrole. Les problèmes des autres : elle n’y sera pour rien !
Atlantico