Écolos contre handicapés : le match parisien de l'accessibilité

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Les lieux de culture parisiens sont-ils adaptés aux personnes en situation de handicap ?

Écolos contre handicapés : le match parisien de l'accessibilité

Bien sûr, ce match n’a pas lieu, sauf à Paris. Nulle part en effet, que ce soit à Bordeaux, Lyon ou Grenoble, les habitants ne voient diminuer les places de parking et gagner les pistes cyclables. Nulle part, sauf à Paris, il ne faut prêter attention au risque des patinettes, rapides et silencieuses, qui déboulent sur la rue ou sur les trottoirs, maintenant que les adeptes des roller-blades, trop sportifs sans doute, ont disparu. Nulle part, sauf à Paris, le métro est dans un sous-sol, difficilement accessible les jours de non-grève, par des escaliers improbables qui débouchent sur de longs couloirs surpeuplés. Tout le monde, en cet heureux temps, devait donc courir et sauter.

Tant pis pour vous, aussi, si vous descendez mal les marches dans une salle de cinéma, cherchant aux murs de droite ou de gauche une rampe qui pourrait vous aider : il n’y en pas. Le ciné, c’est pour les jeunes et pour les personnes accompagnées. Pire, pour l’Opéra-Bastille, acoustique oblige sans doute. Même si vous allez au théâtre du Vieux Colombier, inutile de chercher l’aide d’une rampe, même modeste et peu visible. Si vous préférez la grande Comédie française place Colette, entrez à droite pour accéder à l’ascenseur. Heureusement, la personne qui doit vous accompagner ira chercher l’aide de la personne qui sait où est la clef de l’appareil, la trouve et la ramène.

Vous préférez les musées ? Oubliez le Louvre, accessible surtout par un parking, puis par un escalier, puis par une attente pour faire radiographier votre sac, puis par une longue marche pour découvrir le lieu où se prêtent les fauteuils, avant de vous mettre en quête d’ascenseurs. Bonne chance !

Testez le musée Rodin : pas de problème pour trouver un siège et pour circuler dans le château. On vous aidera gentiment à découvrir le gros bouton qui permet d’accéder au bel ascenseur. Mais il y a cependant un problème : l’accès au musée lui-même. Il fut un temps où, sur une contre-allée, on pouvait se garer et où des places étaient prévues pour les heureux handicapés. Depuis, il n’est plus possible de garer les polluantes voitures : place à deux vastes voies, pour les vélocipèdes. Quant aux places pour les handicapés, il suffit d’aller rue Barbet de Jouy, à plus de 200 mètres et de revenir à pied.

Orsay ? Pas trop de problème pour entrer et trouver un siège, plus pour découvrir les ascenseurs, bien cachés, malcommodes et sans signalisation, sans doute pour des raisons esthétiques. Tentons donc d’y entrer, attendant dans un espace exigu le départ des occupants valides qui sortent au rez-de-chaussée après, épuisés sans doute, tant de Renoir et de Van Gogh.

Petit Palais ? L’avenue devant est superbe et refaite. Lisse et noire : quel dommage qu’un peintre municipal n’ait pas encore écrit sur la chaussée les marques pour les places réservées aux handicapées ! Il faudra attendre et avoir recours, entretemps, au taxi.

Musée d’Art Moderne de la ville de Paris : trois places vous attendent, en espérant qu’elles seront libres, c’est-à-dire pas prises par de véritables handicapés, ceux qui ont collé leur carte sur le pare-brise, pas ceux qui se garent là, profitant de l’aubaine d’une place libre et pariant sur la faiblesse des effectifs de police ou ceux qui prennent la carte d’une gentille parente et la coincent derrière le pare-brise, sans la coller bien sûr, puisque ce n’est pas leur automobile, mais qui ne payent pas le parking. Ils en ont des avantages, ces handicapés !

Heureusement, il y a la Fondation Louis Vuitton où l’on vient en taxi, ou après quinze minutes d’une saine marche en sortant de la station de métro la plus proche ou le bus, sachant qu’il y a « possibilité de se garer dans le Bois de Boulogne mais les places sont rapidement prises d’assaut », comme l’indique le site de la fondation. Mais au moins il y a des sièges et des ascenseurs visibles, commodes et rapides.

Bien sûr, je n’ai traité ici que les cas de ceux qui ont des difficultés à se mouvoir à Paris, cherchant à s’y cultiver. Pas un mot pour tous ceux qui peinent à lire, dans la pénombre des musées, ce qui est écrit dans le cartel qui donne (sans doute) le nom de l’auteur et le titre de l’oeuvre. Et si le cartel est éclairé, ce n’est pas pour autant qu’il soit lisible, écrit en petits caractères destinés à économiser le papier, écologie oblige.

Bien sûr, tout ceci est d’une absolue mauvaise foi. Tous ces panneaux qui freinent les voies des ouvriers qui les refont et qui les cachent, au point que l’on peut penser qu’ils ne sont pas présents. Mais quel est le motif de tous ces tracas ? Il est pourtant clair : s’entraîner aux JO de Paris, du 26 juillet au 11 août 2024 et plus encore aux Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre. Bravo, donc pour organiser ce match « écologie contre handicap » qui ne dit pas son nom et honte à ceux qui pestent, claudiquant ou pire, faute de le comprendre !


Atlantico

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