Le Principe pollueur-payeur légitime-t-il un ISF Vert ?

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 Le Principe pollueur-payeur légitime-t-il un ISF Vert ?

 

Eric Piolle, maire de Grenoble (et candidat à la Présidentielle) reprend, le 19 août, l’idée de Greenpeace : un « ISF Vert ». Elle combine l’ISF, regretté à gauche, avec le Vert, une couleur appréciée. Mais l’apprécier ne suffit pas pour gérer la « transition énergétique », pourtant indispensable pour réduire la pollution et le réchauffement climatique. L’ISF se propose donc de financer le Vert, mais il faudra expliquer et chiffrer comment, pour ne pas en faire une vengeance anti-riche !

Retour à l’ISF, d’abord, comme en 2017. C’était avant qu’Emmanuel Macron n’en garde que la part immobilière, avec l’IFI, Impôt sur la Fortune Immobilière et en supprime la part financière. Cet allègement devait permettre de plus et mieux financer les entreprises, pour qu’elles puissent investir davantage dans la révolution de l’information. Un cadeau aux riches, pour les opposants.

Toujours Vert, ensuite. Les forêts en feu et les rivières à sec rejoignent les calculs récents qui nous disent que le réchauffement est plus important et proche que prévu. Il ne s’agira pas de 75 ou de 50 ans, mais de 25 voire moins, pour en subir les effets. Déjà, il ne s’agit pas « seulement » de réchauffement mais de tornades et de bouleversements des saisons, en fait d’un « changement climatique ». Il faut donc agir plus vite et plus fort.

C’est le Principe pollueur-payeur enfin. Revoilà la taxe Pigou, du nom de l’économiste anglais Arthur-Cecil Pigou, grand théoricien du bien-être entre 1920 et 1930. Le principe pollueur-payeur qui lui est attribué est, à la fois, bien connu et accepté sous sa forme simple : « qui casse paye ». Il s’agit de réparer les dommages et, plus encore, de faire qu’ils ne se reproduisent pas. Qui a pollué paye et payera, ce qui implique que la sanction soit suffisante pour qu’il change, lui et ses semblables pollueurs, d’équipements, de procédés physiques ou chimiques et de traitement des déchets. C’est cher aujourd’hui, pour l’être moins demain.

Financer le Vert par l’ISF serait l’application du Principe pollueur payeur ? Deux raisons pour Greenpeace : « les riches polluent plus » et leur « patrimoine financier pollue plus ». Ils polluent plus : 40 tonnes d’équivalent CO2 par an pour les plus hauts revenus, contre 15 pour les plus bas. Surtout, leur patrimoine financier pollue plus : « posséder des actions BNP Paribas revient en réalité à investir dans des actifs fossiles, notamment du charbon… ». Le riche pollueur financeur doit donc payer, d’autant que la réduction de l’ISF lui a permis de polluer plus !

Malheureusement, dans cette application du Principe pollueur payeur, le compte n’y est pas. 2 ou 3 milliards chaque année des plus riches ne suffiront pas. La « transition énergétique » est un choc violent, global, auquel nous ne sommes pas préparés. Il faudra tout changer : maisons, voitures, usines, bureaux et fermes !

Pire, l’application directe du Principe fait naître des « gilets jaunes ». La taxe ne doit pas être « régressive ».« Régressive » ? Car le salarié au faible revenu qui paye plus cher son essence pour aller au travail, alors qu’il n’a pas d’autre choix, y consacre une part bien plus importante encore de son revenu que le riche. Il habite loin de son lieu de travail, où les entreprises sont rares et fragiles et son salaire est modeste. Il enrage.

Va donc, alors, pour une taxe « progressive » : plus on gagne plus on paye. Mais une taxe indirecte sur la finance, est-ce juste ? Pas vraiment, car l’actionnaire de la BNP demande depuis longtemps à sa banque de ne plus financer le charbon ou le pétrole, et elle le fait ! Pas vraiment, car l’épargnant veut mettre son argent dans des entreprises Responsables et Vertes. Pas vraiment, car comment va vivre l’ouvrier de Renault ?

ISF-Vert : est-ce équitable ? Pas du tout et on ne le dit jamais, car celui qui profitera de l’investissement d’aujourd’hui pour dépolluer, est le junior d’aujourd’hui… quand il sera senior ! Pas facile à dire !

« Pollueur-payé » et « dépollueur-endetté » : voici le Principe pollueur-payeur mis à jour, sans ISF-Vert. Il faut payer le pollueur pauvre pour qu’il change d’auto et calfeutre sa maison. Et il faut endetter, à 30 ans et plus, les juniors, avec des seniors qui achètent des obligations vertes. Les juniors paieront quand ils seront seniors, dans un monde vert ! Ces obligations ne rapporteront rien, comme les actuelles. Donc pas de quoi les taxer ! Quel programme, sérieux, pour M. Piolle !