Le principe d'Archimède appliqué à l'économie française

- Ecrit par

Le Principe s'énonce ainsi : « l'économie française, plongée dans la mer des liquidités mondiales, bénéficie d'une pression de bas en haut qui la maintient à flot ». Il faut d’abord bien le comprendre pour ne pas commettre d'erreurs de diagnostic sur ce qui nous arrive, avec nos taux d’intérêt à long terme qui sont si bas. Il faut ensuite et surtout en profiter, tant qu’il nous est favorable.

 Le principe d'Archimède appliqué à l'économie française

Première application du Principe d’Archimède à la France : la flottaison de l’économie française n’est pas liée à son efficacité propre, mais aux deux grandes politiques monétaires qui se partagent le monde. Cette flottaison ne tient pas à la compétitivité française (et pour cause), pas vraiment à la confiance des étrangers qui nous prêtent (la Chine le fait pour soutenir la zone euro face aux Etats-Unis), moins encore à notre acceptation de l’impôt (elle s’effrite). En fait, l’économie française flotte du fait des politiques des deux grandes banques centrales, Etats-Unis/UK/Japon d’un côté, zone euro de l’autre. Aux Etats-Unis, ces politiques réduisent le coût du crédit en intervenant directement sur les marchés. En zone euro, elles aident les banques pour qu’elles financent les PME. Et surtout, dans les deux cas, les deux argentiers du monde, Janet Yellen et Mario Draghi, « guident » les marchés en leur disant que leurs politiques vont durer… « un certain temps » ! Archimède s’installe.

Deuxième application du Principe : il explique le « remous temporaire » lors de la notation de Moody’s sur la France la semaine passée. Le texte de Moody’s, pour ne rien changer de la note France, vaut le détour : « si les nouvelles orientations retenues par le gouvernement français semblent globalement favorables à la compétitivité générale du pays, le risque lié à la mise en œuvre de ce programme est toutefois significatif… Moody’s fait observer que 60 % des économies prévues à l’horizon 2015-17 restent encore à préciser… Moody’s note que la France se montre moins performante que les autres pays notés Aa1 sur le plan budgétaire, d’où sa perspective négative, et sensiblement moins performante que les pays Aaa. » La note de la France a « donc » été maintenue malgré ce texte qui allait à la dégradation. Surtout, les marchés financiers ont « tenu ». « Tenu » parce qu’ils ne l’ont pas lu, animés qu’ils sont par les grands courants monétaires mondiaux. Archimède se prouve.

Troisième application du Principe : il nous oblige à revoir nos instruments de bord, qui nous trompent. Les taux bas de l’économie française n’indiquent pas des risques faibles et une santé forte. « Nos » taux bas viennent d’ailleurs tandis que notre propre situation se détériore, avec une croissance qui s’arrête et un climat des affaires qui plonge. Nous devons ré-étalonner nos instruments face aux périls. Archimède fausse nos mesures.

Quatrième application du Principe : il nous pousse à aller plus vite dans les réformes, car aujourd’hui il les facilite. Le Principe d’Archimède rejoint le « principe de précaution ». Non pas « dans le doute abstiens-toi », mais « dans le doute agis au mieux pour te renforcer ». « Te renforcer », c’est d’abord s’endetter pour acheter des concurrents. C’est gagner des parts de marché, des brevets et des compétences par ce temps de croissance plate, en faisant attention bien sûr à ce que l’euphorie des taux bas ne pousse pas à de « folles enchères ». « Te renforcer », c’est ensuite et surtout investir en innovation, formation et équipement pour gagner en compétitivité durable. Attention : quand les taux monteront, ce ne sera pas graduel ! En dépit des discours lénifiants des responsables des grandes banques centrales, il y aura des à-coups. Pour résister, il faudra des économies nationales robustes et des entreprises préparées, avec leurs équipages. Que deviendra la croissance française avec des taux longs qui sautent de 1,5 à 2,5 %, en attendant plus ? Archimède ne doit pas nous endormir.

Cinquième application : il faut aimer le Principe d’Archimède. Ses effets sont prévisibles. Ils dépendent des décisions monétaires des Etats-Unis puis de la zone euro, décisions qui seront annoncées assez en avance. Ils favorisent donc des réformes hardies et rapides, avant que la liquidité baisse et que les taux remontent. Merci Archimède !