Le crypto-euro rejoint le crypto-yuan contre le dollar…et les autres

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 Le crypto-euro rejoint le crypto-yuan contre le dollar…et les autres

 

Crypto-euro : qu’est donc cet animal ? Pas le Bitcoin qui, par son instabilité même, ne peut être une monnaie. Pas le Libra non plus, cette monnaie libertaire, dite monnaie Facebook. Libertaire ? Presque : il s’est présenté comme une « monnaie stable », avec des milliards de garanties en dollars, euros, yens et sterlings, indépendante de chacun, pour les équilibrer ! Le Libra a, alors, vite été perçu, par les politiques américains, comme un dangereux concurrent du billet vert. Ils ont réagi et menacé de « stricts contrôles », ce qui l’a conduit à réduire ses ambitions.

 

Crypto-euro : c’est votre téléphone ! C’est une monnaie électronique, lancée par la Banque Centrale Européenne, qui va s’y loger. La BCE vient d’annoncer qu’elle y pensait pour bientôt. La Banque de France, avant le COVID-19, voulait lancer un test fin 2020. Un billet, un compte en banque ? Non : des lignes dans une application (sécurisée) de votre portable. Sans compte bancaire, vous pourrez avoir bientôt un compte en crypto-euro, pour gérer votre épargne (ce sera plus tard) et, bien avant, acheter et vendre, dans les commerces notamment. C’est immédiat, quasi-gratuit et très sûr, puisque géré par une instance dépendante de la Banque Centrale ! Et comme on utilise de moins en moins de billets (surtout depuis le COVID-19) et de chèques (depuis longtemps), voilà de quoi convaincre tout le monde de l’adopter. Ce qui luttera contre l’exclusion bancaire, les trafics, le financement du terrorisme… et permettra aussi de mieux fiscaliser « tout le monde » ! Ce crypto-euro est donc aussi une pression concurrentielle nouvelle sur les banques : moins de clients, moins de dépôts, moins de tirages au Distributeur Automatique de Billet, moins de chèques. Elles devront donc restructurer leurs équipements et réduire encore leurs réseaux.

 

Crypto-yuan : mais pourquoi donc parler ici de la Chine ? Parce qu’elle a au moins deux ans d’avance dans ce domaine. Bien sûr, c’est (officiellement) pour aider davantage les Chinois, qui payent déjà par téléphone (par exemple Alipay pour Alibaba) et plus encore les 250 millions, plus pauvres, qui n’ont pas de banque. Déjà, la Chine a commencé de payer des fonctionnaires dans certaines villes, habilité des banques à proposer le crypto-yuan et diffusé des applications de paiement à Xiong’An, Suzhou, Chengdu et Shenzhen, sachant que des enseignes comme Starbucks, McDonald devraient participer à l’opération.

 

Le crypto-yuan est politique : éviter les États-Unis et le dollar. En effet, ce crypto-yuan veut aller dans les pays émergents. Il devrait s’étendre entre grandes entreprises et pays, empruntant les « Routes de la soie », cette stratégie titanesque de la Chine qui entend créer des réseaux par train et mer pour échanger, diffuser ses savoirs, normes et brevets, créer des liens d’amitiés… et de crédits, de chez elle vers l’Europe, en traversant l’Asie, plus l’Afrique. Ce crypto-yuan, intégré à la Chine sous la houlette de sa Banque Centrale, sera donc bien informé. Il fera qu’une part croissante des transactions ne passera pas par le dollar, donc hors de SWIFT (le système mondial des compensations des devises) et des surveillances et des lois américaines. Le crypto-yuan : c’est « la route du Yuan », pour passer à côté du dollar.

 

Le COVID-19 accélère cette révolution des cryptomonnaies et explique les messages prudentiels de la BCE. Dans une situation de crise ou de pandémie, les versements de soutien auraient un effet direct sur l’économie. La vitesse accélérée de « cette » monnaie augmente l’efficacité de la politique budgétaire : la fameuse « monnaie hélicoptère », lente et imprécise, est dépassée par celle qui frappe immédiatement à la bonne porte. C’est bien, mais attention aux hackers et surtout, en cas d’inquiétude sur une banque ou un pays, à des fuites à la vitesse de la lumière qui pourraient mener à des effondrements de banques ou de membres de la zone euro !

 

Le crypto-euro explique le message très politique de la BCE. En effet, votre téléphone pourrait abriter des crypto-euros, yuans, sterlings ou autres. Il faudra donc l’encadrer, pour éviter des guerres entre cryptomonnaies, tel pays défendant la sienne par des hausses de taux. Et les pays fragiles : leurs monnaies vont-t-elles disparaître ? Et le crypto-dollar les battre toutes ? Et le crypto-francsuisse deviendra-t-il le refuge mondial ? Ces cryptomonnaies : des « pousse au sérieux » ou « au crime » ?