Janet Yellen : coup de fil désespéré à Mario Draghi

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 Janet Yellen : coup de fil désespéré à Mario Draghi

Janet Yellen (Présidente de la Banque centrale américaine) : Mario, Trump va me virer !

Mario Draghi (Président de la Banque centrale européenne) : Pas de panique, avec lui on ne sait jamais. Je sais que tu es trop Démocrate, et pas assez souple, pour lui. Mais il ne peut rien te dire !

JY : Oui, la croissance est à plus de 2%, le taux de chômage à 4,4%, les taux d’intérêt à 10 ans à 2,3% et l’inflation à 1,5%. La seule chose qu’il peut me reprocher, c’est ça ! Avec les 4500 milliards de dollars mis pour faire baisser les taux et repartir la machine, on a le plein emploi, mais on devrait avoir 3% d’inflation ! Je ne comprends pas, car j’ai tout réussi !

MD : Janet, pour l’inflation, moi non plus, je ne comprends pas. L’Allemagne a 3,6% de taux de chômage avec 1,8% d’inflation ! Toi et moi, on attend l’inflation !

JY : Oui, mais moi je ne suis plus Présidente le 3 février, même si je peux rester jusqu’en 2024 !

MD : Et moi, je suis en poste jusqu’au 21 octobre 2019 et ne pourrai pas être renouvelé.

JY : Tu feras des conférences, et des milliers d’euros !

MD : Toi aussi ! Mais ce qui t’arrive n’est pas juste.

JY : Merci, mais comment faire ?

MD : Je ne peux pas faire baisser le dollar pour que tu importes de l’inflation, parce qu’alors c’est l’euro qui monte. Non, il faut que tes salaires montent grâce à tes syndicats.

JY : Tu me vois appeler à la grève ! Déjà, j’ai énervé tout le monde avec ma hausse très lente des taux, pour avoir le plus d’Américains au boulot. Et rien n’y a fait ! C’est la faute à Apple et à Amazon qui inquiètent et détruisent des jobs !

MD : En sens inverse, Trump fait partir les clandestins de l’agriculture, de la distribution et de la construction, et rien !

JY : Notre job est de lutter contre l’inflation. On ne va pas le perdre parce qu’on l’a trop bien fait !

MD : Ici, certains me disent qu’il faut un objectif d’inflation à 0% : il y en aurait trop ! Il faudrait que je monte les taux… avec un taux de chômage à 9,1%. Je serai lynché !

JY : Et moi, certains me disent que je devrais viser 4% !

MD : Qu’est-ce qui nous est arrivé ? Toi, tu as un fou, mais tu fais ton travail. Il te veut un successeur qui baisse les taux ?

JY : En plus, sa politique fiscale va faire baisser les impôts de tous, riches compris ! Il veut que les Américains mangent plus, changent de cuisine ou d’auto, avec plus de déficit budgétaire ? Mais alors les taux longs vont monter, avant même les salaires.

MD : Tu auras 3% de croissance pendant deux trimestres, avant de tomber en récession !

JY : Et mon successeur devra baisser les taux, qu’il aura fait passer à zéro ! Des taux négatifs ! C’est la crise américaine d’abord, America First, puis mondiale.

MD : Et moi, je ne pourrai que rebaisser mes taux et racheter des bons du trésor. Heureusement, les Français en font plus, ça compense des Allemands !

JY : A t’écouter, je me demande si je ne ferais pas mieux de renforcer mes prises de position pour me faire virer, la conscience tranquille.

MD : C’est le pire que tu peux lui faire et le mieux pour la profession !

JY : Je serai pas mal, en victime émissaire !

Les deux : Patron de banque centrale, ce n’était pas le plus vieux métier du monde, mais le plus important. Quelle extase de voir ces puissants pendus à vos lèvres pour savoir si vous allez monter, ou baisser, vos taux d’intérêt à court terme de 0,25%, aujourd’hui ou demain, et sans jamais le dire clairement ! Nous étions les Dieux, à lutter contre l’inflation et pour le bien de tous, évidemment, avec notre petit taux à 24 heures ! A la baguette, on les tenait !

MD : Oui, mais l’inflation a disparu !

JY : Je sais où elle est : dans le prix du mètre carré à Hong Kong et Pékin, dans les cours boursiers d’Apple, Facebook et surtout d’Alibaba – qui monte toujours. Il vaut 50 fois ses résultats ! Rien à voir avec le multiple de 17 d’Apple, le 32 de Facebook, le 17 de Saint Gobain ou le 13 de Publicis !

MD : Tu as raison, l’inflation n’est plus dans les salaires, mais dans quelques tours (de Trump…) et valeurs boursières !

JY : Ou dans un Basquiat !

MD : Mais on ne peut pas monter les taux en Chine !

JY : Ni surtaxer Christie’s !

MD : Et pourtant, c’est ce qu’il faudrait faire !

MD : On a tellement réussi notre opération anti-inflation, avec l’aide de la révolution de l’information et la globalisation, bien sûr, qu’elle a muté et s’est perchée hors d’atteinte.

JY : Elle finira par descendre sur terre, dans les salaires !

Les deux : Et on sera où, nous deux ?