"Guerre des monnaies" : une nouvelle vague de tensions monétaires se déroule en pleine réunion du G7 Finances près de Londres. Il s’agit de rappeler aux "anciens" pays qu'ils ne peuvent pas se refaire au dépend des émergents, notamment d'Asie, sans qu’ils réagissent. Le bon vieux temps n’est plus.
1 – Voici quelques semaines que le Japon met les bouchées doubles pour repartir, en sortant d’une décennie de déflation. Comment ? En faisant baisser sa monnaie, suite à une politique sans pareille d’achat par la banque centrale du Japon (indépendante bien sûr…) de titres publics et privés japonais. Ce qui devait arriver arrive : le Yen chute par rapport au dollar, ce qui énerve les États-Unis bien sûr, mais plus encore les pays de la région. Le Japon essaie de calmer le jeu, il parle de « croissance » et de « réformes », mais ce qui est fait est fait : les anticipations d’inflation décalent au Japon. Elles commencent à glisser ailleurs. Le pays annonce ensuite de bons résultats de croissance, grâce à ses exportations. La bourse de Tokyo, encore moins diplomate, exulte. C’est trop ! C’est la guerre des monnaies !
2 – Impossible aux pays de la région de laisser cette action sans riposte. Voici la Corée, la Thaïlande, et la Chine bien sûr, qui réagissent. Les pays de matières premières, Nouvelle Zélande et Australie rejoignent la danse, pour montrer que les pays « matières premières » ne sont pas passifs en ne vont pas accepter de voir monter régulièrement leurs devises, sous prétexte qu’ils ont des minéraux ! Et la Pologne suit, pour montrer que l’Europe est au courant et que le grand fournisseur de l’Allemagne est aux aguets – et pour éviter à l’Allemagne de dire tout haut qu’elle n’est pas contente du tout de cette sorte de concurrence. Et un Brésilien va présider en septembre l’Organisation mondiale du commerce.
3 – Guerre de monnaies : le mot (tabou) a été lancé par le Ministre (brésilien) de l’économie. Il veut dire qu’il est très difficile aux pays industrialisés de sortir du surendettement par la reprise spontanée de la croissance. Et pourtant, « Il est important que, conformément aux décisions prises précédemment par le G20 et le FMI, on ne parle pas de guerre des monnaies », dit Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, le 11 mai à l’occasion du G7. On n’en parle donc pas, car la baisse de la monnaie est une façon de faire revenir l’inflation, en faisant baisser toutes les monnaies des pays surendettés, autrement dit industrialisés et en faisant baisser aussi le taux réel des emprunts. Les profits remontent ainsi « naturellement ».
4 – Mais la guerre des monnaies ne fait pas revenir l’inflation d’abord. La sur-liquidité mondiale conduit en premier lieu à accepter des rendements nuls ou négatifs. En effet, l’inflation reste contenue dans les pays industrialisés, où les politiques monétaires restent crédibles, même si ces pays ont créé plus de monnaie que jamais pour faire baisser leurs taux (et leur monnaie). Quantitative easing et stabilité des prix, c’est l’équilibre instable dans lequel nous vivons tous. Pour le moment il tient, car ces liquidités se retrouvent dans les trappes des pays jugés les plus sûrs, où elles se déposent en banque centrale ou y achètent des bons du trésor à très court terme.
5 – Ceci ne va pas durer : la sur-liquidité va prendre peu à peu plus de risques, mais sans en être vraiment consciente. Des bulles se créent. Cette immense liquidité va ainsi chercher des rendements supérieurs et va trouver « de l’intérêt » à des plus placements risqués, Espagne et Italie, en attendant la Grèce – bientôt. Elle va aussi financer directement des entreprises. Des bulles nouvelles se créent. Les risques pris montent et les taux baissent.
6 – Ces « bulles d’inquiétude » sont bien différentes de celles que nous avons vécues, les bulles d’ « exubérance irrationnelle », mais elles finissent pareil. Par plus de crise d’abord, puis par de l’inflation, puisque les banques centrales ne pourront plus agir, ayant usé leur crédibilité et laissé aux marchés financiers le soin de financer les entreprises. Nous n’y sommes pas. Par bonheur.
7 – Les taux américains sont trop bas et la politique monétaire américaine doit se resserrer. En même temps, les pays émergents doivent accepter de faire émerger, autrement dit monter, leurs monnaies – pour réduire les déséquilibres des balances des paiements. La vraie façon d’éviter la guerre des monnaies, c’est de faire la paix des économies.