France : une récession d’investissement menace le futur, comment en sortir ?

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Les patrons investissent moins parce que les profits ne sont pas là et moins encore l’espoir d’un rebond. Voilà le message que donne l’Insee sur l’économie française au premier trimestre 2013. Nous en sommes à un point où la pression des dépenses de fonctionnement courant, salaires, achats et taxes, est telle dans les entreprises qu’elle contraint les dépenses d’avenir, autrement dit l’investissement. Et le crédit ne peut pas prendre le relai, si l’espoir d’un retour rapide n’est pas là.

Cette récession est grave car elle engage d’abord le futur immédiat : la résilience des consommateurs cède, ce qui conduira à revoir les prévisions budgétaires du gouvernement. Cette consommation qui baisse, pour la première fois depuis des années, montre que les ménages doivent couper dans leur consommation en biens et services. Face à un revenu qui baisse après impôt et inflation, ils réduisent leur taux d’épargne, essentiellement financière, pour tenir leur consommation – mais ceci ne suffit même plus. La fameuse résilience sur laquelle pariait la puissance publique dans ces prévisions de croissance – et donc de rentrées budgétaires, cède. Si le socle de la demande de consommation s’effrite, que devient la croissance à très court terme ? Comment tenir les engagements budgétaires ?

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Plus grave encore, la crise de l’investissement engage le futur à moyen terme et rabote la croissance potentielle.  2% de croissance est impossible si l’appareil de production ne permet plus que la moitié : nous y sommes. En avril 2013, les entrepreneurs de l’industrie manufacturière prévoient ainsi une baisse de 4% pour leurs investissements de l’année. L’investissement de renouvellement « tient », car la baisse viendra des investissements d’automation et d’économie d’énergie. Mais on comprend que la concurrence va devenir bien plus rude sur les marchés internationaux. L’exportation qui baisse montre à quel point les entreprises françaises perdent pied sur les deux fronts : celui de la « concurrence hors coût », face à une Allemagne qui innove davantage et celui de la « concurrence-coût », face à une Espagne ou une Italie qui baissent les salaires de leurs ouvriers.

Comment sortir de cette nasse ? En changeant de politique : il nous faut plus de profit privé et moins de dépenses publiques. Il s’agit de combiner réformes plus rapides – pour faire remonter la profitabilité privée et modernisation publique plus intense – pour faire baisser les prélèvements publics.

D’abord il faut reconnaître que « l’impôt tue l’impôt » plus vite et plus fort que jamais en France aujourd’hui, et la croissance avec. La démarche des pouvoirs publics « impôts d’abord puis réduction de la dépense publique » est donc fausse. « Les études les plus récentes et les plus approfondies sur l’impact des consolidations budgétaires sur la croissance montrent qu’à court terme, les hausses de recettes sont moins coûteuses pour l’activité et l’emploi tandis qu’à moyen terme, les ajustements les plus durables et les plus favorables à la croissance sont ceux qui reposent sur une maîtrise de la dépense publique et sur les gains d’efficacité de la gestion publique. » nous dit pompeusement Bercy. Sauf que ce n’est pas ce qui se passe dans une économie française affaiblie, endettée, avec des entreprises et des ménages réactifs.

Ensuite il faut partir du triptyque : impôts gelés, normes réduites, débat social partout, pour reconstruire la profitabilité des entreprises dans un nouveau contrat social. Car le point faible de la croissance française, celui qui commande l’emploi à court terme et l’investissement à court et moyen terme, ce sont les PME. On voit aujourd’hui plus de défaillances d’entreprises, des entreprises plus grosses. Elles avaient résisté aux crises antérieures et, aujourd’hui, elles cèdent. Et l’emploi qui baisse (avec un peu plus d’intérim pour compenser), c’est bien cette logique d’ajustement à une croissance plus faible.

Enfin il faut que la puissance publique fasse bien plus d’économies que celles qu’elle prévoit. Le 1,5 milliard annoncé par le Président n’est pas du tout à la taille de ce qui est nécessaire, de l’ordre de 5 milliards, et de ce qui est possible, avec les nouvelles technologies. La dépense publique ne peut entrer dans une logique keynésienne de court terme, à moins que ce ne soient les résistances locales, politiques ou syndicales qui expliquent son inertie – ou sa peur. Qui sait ? Il s’agit pour la puissance publique de contribuer à remonter la compétitivité des entreprises en France. Et si elle ne fait pas ce travail, les entreprises iront voir ailleurs.

La récession en France de début 2013 est notre dernier avertissement sans frais pour changer, maintenant.