Au vu de ces élections présidentielles, l’Empire américain est-il devenu instable, inquiétant à force d’être ridicule, dans ce monde qui change comme jamais ? Et ceci au moment où la Chine continue partout d’avancer et de s’armer, notamment en mer de Chine ? Au moment où elle entend mener les pays émergents, derrière la bannière des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud ? Au moment aussi où la Russie se redresse, se rapproche de la Turquie et où l’Iran veut se refaire, en exportant plus un pétrole plus cher ?
Et voilà que le Japon n’arrive toujours pas à se dépêtrer de sa déflation et s’inquiète des voisins chinois, nord-coréens et russes ! Et voilà que l’Union européenne doit gérer, entre autres, le Brexit, l’accord avec le Canada et le problème des migrants, tandis que la zone euro peine à repartir !
Ces élections américaines ont été incroyables de révélations, pas seulement de secrets défense ou intimes, mais surtout sur la faiblesse sociale de la première économie du monde. Et voilà que le FBI rouvre, à quelques jours du vote, le dossier des emails d’Hillary Clinton, où elle traitait, sans précautions informatiques, de questions touchant la sécurité nationale. Mais cette fois, il s’agit de sa collaboratrice, dont l’ex-mari aurait envoyé des mails très osés en utilisant ce même ordinateur ! On rêve ! Et c’est le Directeur du FBI qui rend publique cette enquête, en ajoutant qu’il ne pourra pas traiter le sujet dans les jours qui restent avant le vote. Transparence, naïveté ou pire ?
On pensait Hillary Clinton gagnante. Nul ne sait plus désormais, à quelques jours des élections. Les sondages se rapprochent entre les deux concurrents. On se demande également si des boîtes de vote électroniques ne seront pas hackées et si le résultat sera accepté par Donald Trump, en supposant qu’il perde de peu. On s’inquiète aussi d’un Congrès qui pourrait être très opposé à Hillary Clinton (d’autant que Donald Trump sera toujours là) et de la montée des groupes extrêmes, chez les Républicains, et de la gauche chez les Démocrates, avec Bernie Sanders.
Les marchés financiers se réveillent, en sursaut. Ils ont d’abord souri, virevolté ensuite pendant des mois, puis classé le dossier, sans voir le danger. Ils surveillaient l’inflation ! Pour eux, les enregistrements de Donald Trump sur les femmes le disqualifiaient. Mais les dernières livraisons de Wilkileaks, qui ne trouvent décidément rien contre Donald Trump (mystère), ont fait porter les regards sur la Fondation Clinton, avant que le FBI ne revienne à la charge. En cas de victoire d’Hillary Clinton, on entend même parler de destitution !
Mais le pire est ailleurs. C’est l’affaiblissement de l’Empire américain qui est en jeu, dans sa régulation du monde, au-delà des raisons économiques et sociologiques (crise financière, chômage, peur des migrants et opposition à la mainmise supposée de Washington…) qui sont avancées. La montée du populisme américain, derrière son nationalisme et son isolationnisme, rend l’ensemble du système politique peu prévisible, preuve de sa faiblesse intrinsèque.
Or, c’est la prévisibilité des règles politiques, depuis la deuxième guerre mondiale, qui explique la confiance dans les investissements aux États-Unis, dans la puissance de la bourse de New-York et dans ces placements, jugés les moins risqués au monde, que sont les bons du trésor américain et le dollar. Le leadership américain, capable de dépasser ses oppositions partisanes, en vient.
Si le sommet vacille à partir du Bureau ovale, si le premier pays du monde paraît à tous empêtré dans des affaires minables, des questions vont bientôt suivre sur la Cour Suprême et la Banque centrale, dont tous les postes ne sont pas pourvus face au blocage du Congrès. L’équilibre des lois américaines et le dollar seront bientôt sur la sellette. Les interrogations vont ensuite passer sur les autres démocraties. La fragilité de nos constructions va apparaître à tous, au bénéfice de l’or, avec baisse des bourses et montée des taux d’intérêt, au détriment de la croissance et de l’emploi.
L’Empire américain n’est pas parfait. Il est mortel, comme tous ses prédécesseurs, mais il est sans égal dans l’histoire. Le voilà désormais menacé par une ou deux puissances non démocratiques. Elles parviennent à voler ses dépêches secrètes. Surtout, de l’intérieur, une lettre envoyée par le chef de sa propre police le fait vaciller. Les Empires meurent d’autant mieux qu’ils se suicident.