En attendant les nouveaux migrants

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2 000 arrivent chaque jour sur les côtes d’Europe. Ils y cherchent refuge, sans le trouver. Ils seront plus nombreux demain. Plus nombreux, car les camps qui abritent les « personnes déplacées » depuis plus de dix ans en moyenne, chiffre qu’on ne dit jamais, vont craquer. Ces familles qui avancent sur les voies ferrées européennes, tragiquement, leur donnent l’idée d’un ailleurs, à eux qui sont enfermés, et plus encore aux jeunes.

 En attendant les nouveaux migrants

Et quand les prix des matières premières agricoles baissent comme aujourd’hui, suivant la baisse des prix du pétrole, quand les productions de très grandes fermes inondent les marchés urbains, surtout quand la sécheresse gagne l’Afrique, que va-t-il se passer ? Les pasteurs vont-ils mener leurs troupeaux vers une Afrique du Sud plus humide, avec leurs fusils ? Les fils de paysans d’Afrique sub-saharienne vont-ils quitter leur ferme, où ils ne voient plus d’avenir ?

Les nouveaux migrants seront-ils des paysans déracinés, des pasteurs sans troupeaux, autrement plus nombreux que ceux qui fuient aujourd’hui la guerre, les massacres, les tortures, les batailles religieuses et tribales ? L’effondrement des Etats est une chose, l’effondrement de ce qui permet de vivre à la moitié d’un continent une autre.

Pour recevoir 2000 migrants chaque jour, l’Europe n’est pas préparée. Aimantés vers Calais pour atteindre le rêve d’Angleterre, ces hommes, femmes et enfants vont désormais vers l’Allemagne, tandis que les autres pays se ferment. La France s’inquiète, mais elle est plutôt un lieu de transit. Elle n’attire pas beaucoup, ni n’accueille bien. Ceux qui y resteront en seront d’autant plus aigris.

L’Europe commence à prendre des mesures pour savoir qui est qui, avant de les installer provisoirement. Même si ceci paraît administratif, il faut recueillir les empreintes, les noms, les origines – et vérifier autant que possible. L’Europe s’interroge aussi, ce n’est pas trop tôt, sur la source de ces migrations et se demande comment agir sur leurs causes. Comment intervenir en Syrie, organiser l’Irak, aller plus loin ?

Ceux qui sont arrivés, l’Europe devra les intégrer. Ils sont souvent formés et nécessaires à des économies qui, comme l’Allemagne, s’inquiètent de leur démographie et de leur marché de l’emploi. L’Allemagne recense ainsi plus de 500 000 emplois vacants et en crée 15 000 par mois cette année, moitié moins que l’an dernier. Mais à quel niveau les payer ? Leur productivité n’est sans doute pas celle des salaires minimaux de l’Europe, salaires qui atteignent la moitié du salaire médian. Combien de temps attendre pour que monte leur productivité ? Que faire entretemps ? Il a fallu dix ans pour intégrer les émigrants de l’Est – suite à la crise de l’URSS et sans vrai Smic alors. Il a fallu quelques années pour les Espagnols et les Grecs, moins chers et mieux formés – suite à la crise de la zone euro. Cette zone euro est-elle prête à recevoir des travailleurs moins payés, avec son chômage actuel ? Il faudra les former, en profiter pour réindustrialiser des secteurs abandonnés et augmenter le contenu en services de la croissance. Il faudra surtout expliquer le sursaut que ceci permet à terme.

Mais une chose est d’arrêter la guerre et d’intégrer les migrants – pas facile, une autre – décisive, est de concevoir une croissance équilibrée pour le seul réservoir d’êtres humains de la planète : l’Afrique. Les prévisions montrent que l’essentiel de la population du monde en viendra : deux milliards d’êtres humains. Que va faire l’Afrique si son avenir se bouche ? Jusqu’à présent, une agriculture peu productive a permis de fixer ses populations, certes dans des conditions difficiles, freinant d’autant l’exode urbain.

Cette agriculture vivrière va évoluer. De nombreux exemples montrent que les agriculteurs africains peuvent maîtriser les technologies modernes et être aussi productifs que d’autres. Pourquoi ne pas les former à produire de manière plus intensive pour servir des bourgs et des villes en expansion, plutôt que de s’installer dans des bidonvilles ? Pourquoi ne pas les aider à mieux utiliser téléphones portables, engrais, données météo, pour stocker, transporter, investir, avec des crédits pour des infrastructures adéquates ?

La croissance, c’est de la formation plus des infrastructures. Les projets abondent pour faire avancer notamment l’Afrique subsaharienne. Rien n’est jamais prêt avant que la crise n’éclate. La voilà, à l’échelle d’un continent cette fois. Passons ensemble à l’action, avant le vrai drame !

 

Voir sur ce sujet Les mouvements d’immigration dans les grands pays, le Zoom du 8 octobre.

 

Egalement publié dans Atlantico.