Dollar, euro et Yuan : le triangle des Bermudes monétaires

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Dollar : Les Etats-Unis sont surendettés, et ceci commence à se savoir. Ils s'endettent pour payer leurs dettes, et ceci fait mauvais genre. Les Chinois l'ont vu et, par l'intermédiaire de leur agence de rating, Dagong, les ont dégradés une fois encore - avec en sus un outlook négatif. Ils les accusent, ni plus ni moins, de faire de la cavalerie. De fait, les Etats-Unis sont le plus gros pays du monde, mais il vivent en bataille politique interne entre Républicains et Démocrates pour réduire leur déficit budgétaire. Ils menacent même de faire défaut, l'annoncent haut et fort, mais il émettent la monnaie de leur dette : ceci permet de dire cela, faute d'alternative monétaire.Pas de surprise donc si le dollar baisse. Tout est fait en ce sens par la Banque centrale américaine qui baisse les taux courts et longs, pour aider les banques, puis les entreprises, puis les ménages, puis l'Etat, à se sortir d'affaire. Et tout est fait aussi en ce sens, volontairemlent ou non, par les politiques américains qui se battent au bord du ravin. Ambiance.

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Yuan : si les Etats-Unis veulent faire baisser le dollar, c’est qu’ils veulent faire monter une autre devise. Laquelle ? Le Yuan bien sûr, la monnaie chinoise, celle du deuxième pays du monde qui s’approche à grande vitesse du premier. Astucieusement, après la crise qu’elle a connue il y a plusieurs années, la monnaie chinoise a beaucoup baissé et s’est mise sous l’ombrelle du dollar par un lien fixe (peg). Elle était donc très sous évaluée immédiatement après sa crise et le reste encore, mais beaucoup moins, avec les hausses de salaires qui ont lieu en Chine, plus la pression américaine pour faire monter le taux de change. Les Etats-Unis veulent en effet que le Yuan monte, une peu pour réduire sa position de force dans la région, face à la Corée, à l’Indonésie, la Malaisie… et beaucoup pour lui faire endosser un statut de monnaie mondiale. En sens inverse, on comprend que la Chine veut aller doucement, car une appréciation de sa monnaie va forcer la vitesse de son changement de modèle, depuis une économie d’exportation et de demande publique vers une économie de consommation (capitaliste ?).

Euro : et c’est alors l’euro qui monte ! Le dollar voulant baisser contre Yuan, le Yuan ne voulant pas monter, voilà l’euro qui attire les foules. Avec une croissance nulle, la zone voit le taux de l’euro passer à 1,38 euro contre dollar…  alors que les Etats-Unis ont une croissance qui dépasse 2 % et une monnaie qui baisse. Comprenne qui pourra. Et le pire, c’est que l’euro ne dit rien devant cette évolution qui l’handicape. La BCE n’a évidemment pas d’objectif officiel de change – donc elle se tait. Un euro fort l’inquiète, avec un risque de déflation, mais elle ne peut rien dire. Et l’instance politique qui devrait réagir, à savoir le Président de l’Eurogroupe est d’un assourdissant silence – pour ne pas déplaire à l’Allemagne qui cherche son gouvernement ? Moralité : la hausse de l’euro permet que s’ajuste le débat dollar/Yuan, en notre défaveur.

On comprend que cette situation ne peut durer pour l’euro.  D’abord, les autres grandes monnaies mondiales, Yen et Livre Sterling ont choisi leur camp : celui des Etats-Unis. Et ils ne semblent pas s’en plaindre. Seul le Franc Suisse est avec l’euro. Il monte même plus que lui, comme super monnaie de réserve. Et il commence à s’inquiéter !

L’euro doit donc parler, et très fort, pour conduire le Yuan à monter, sans doute, le Dollar à se stabiliser, c’est-à-dire à sortir de sa politique de sous-évaluation permanente, et les pays de la zone euro à s’embarquer dans des réformes et des modernisations qui le feront croître et innover, et pas à s’endetter encore pour cacher leurs faiblesses… Pas facile bien sûr… mais c’est quand même mieux que de se taire.