De Bethléem à Airbnb : quels progrès ?

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 De Bethléem à Airbnb : quels progrès ?

 

Il aura fallu attendre 2007 ans !

A Bethléem aujourd’hui, « maison du pain » en hébreu, il n’y aura donc plus ce problème rencontré il y a si longtemps, ce 20 décembre de l’an 1, pour loger une famille pauvre, avec une femme bien près d’accoucher de surcroît ! A l’époque, plus la moindre petite chambre libre dans le village. Seulement une étable et encore : entre deux animaux. En 2007, une lueur d’espoir était née à San Francisco, chez deux jeunes pauvres designers. Ils se demandaient comment payer leur loyer, qui venait d’augmenter de 25% : allaient-ils être délogés ? Mais, en 2007 aussi, comme en cette fin de l’an 1, les hôtels étaient pleins : pas parce que l’Empereur Auguste obligeait chacun à se faire enregistrer dans son lieu de naissance, mais à cause d’un congrès de designers.

Craignant l’étable ou équivalent, nos deux jeunes californiens dans le besoin transforment en « chambre » une pièce inutilisée. Ils proposent un lit gonflable (Air bed), avec petit déjeuner (bed and breakfast, bnb), à deux autres designers qui cherchaient désespérément où dormir. Soulagés et logés, ces deux-ci payent sans problème à ces deux-là. Voilà tout le monde content ! Mais l’histoire ne s’arrête pas là : le 10 décembre 2020, nos deux compères, décidément débrouillards, plus un jeune informaticien bien utile à l’époque pour structurer et propager leur  idée, la voient cotée 100 milliards de dollars pour son entrée en bourse. Comme quoi, depuis Bethléem, la multiplication des dollars est bien plus véloce que celle des pains. Un miracle ?

L’effet d’une grande peur plutôt, que l’on essaie aujourd’hui de conjurer sous un déluge de milliards de dollars, parce qu’il faut tout faire pour éviter l’effondrement économique et social qui menace les États-Unis. Il menace à cause du COVID-19 et des peurs qu’il suscite. Peurs d’être malade, contaminé, de contaminer, de mourir. Alors, finis les achats dans les petites surfaces, les voyages, les restaurants ou les cinémas. Au « métro-boulot-dodo » succède : « téléboulot-téléachat-télétravail-télé-dodo ». Mais ceci vaut pour ceux qui ont un boulot, car le COVID tue et rend malade certes, mais détruit plus encore d’emplois, aujourd’hui et surtout demain, particulièrement parmi les plus précaires. Il inquiète le ménage, qui épargnera plus et l’entrepreneur, qui attendra pour investir et embaucher. Les voilà, les séquelles économiques et sociales du mal actuel, avec leur cortège d’insatisfactions, de manifestations et de violences. Financer c’est donc calmer, le temps que des solutions nouvelles arrivent et se répandent.

Mais ces milliards suffiront-ils, puisque ce COVID-19 n’est pas seul ? Vient en effet la longue caravane de la révolution technologique, du réchauffement climatique, de la montée de la Chine, des tensions religieuses, plus de tous ces leaders politiques qui se proclament « illibéraux ». Nos deux californiens suffiront-ils à susciter des vocations d’entrepreneurs, eux qui ont posé tant de problèmes à des hôtels installés ? Que deviendront les métiers et les compétences anciens, les PME et TPE, les cadres moyens et les employés, chassés par les nouvelles technologies ou les livraisons directes  « disruptés » ?  Combien de temps faudra-t-il, avant qu’une nouvelle économie naisse en lieu et place de l’ancienne ?

Notre monde y gagne-t-il, plus tendu, compliqué et violent, alors qu’on aurait pu rêver qu’il échangerait et communiquerait davantage et mieux ? Mais foin de philosophie ! Les Banques Centrales, Américaine et Européenne surtout, vont continuent d’irriguer, jusqu’à ce que la reprise revienne, avec l’inflation, pour rembourser le tout. Mais si c’est plus long que prévu ? Si des ménages et des entreprises craquent avant, ne pouvant rembourser ? Et si des banques suivent, des monnaies, des États ? On connait la réponse : les États-Unis feront tout ce qu’ils peuvent pour repartir plus vite et fort que les autres, les mettant dans une situation plus difficile.

Au fond, de Bethléem à Airbnb, rien ne dit qu’on aura une chambre ou un emploi demain, moins encore qu’on partagera et réagira mieux. De l’étable au matelas gonflable, il n’est pas sûr que l’on ait gagné en tranquillité : que deviendront les ménages américains expulsés de leur logement ? Et ailleurs, dans le monde ? De Bethléem à Airbnb : quels progrès ? Sans angélisme, les milliards pour quelques-uns ne font pas un avenir pour tous. Et cette idée se répand : c’est la bonne nouvelle de Noël.