COVID-19 : quand les prophètes de malheur font un concours

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 COVID-19 : quand les prophètes de malheur font un concours

Nouriel Roubini annonce de 30 à 40 % de baisse des marchés avec la pandémie. Laurence Boone, Économiste en chef de l’OCDE, dit que « dans un premier scénario, le plus optimiste, le creux de la crise serait atteint au premier trimestre avec une croissance mondiale négative… Dans le second scénario – scénario de risque – le creux de la crise serait atteint au troisième trimestre », avec une croissance mondiale qui passerait de 3,3 à 1,5% en 2021. Dans ce cas, l’Europe et le Japon entrent évidemment en récession, les États-Unis s’arrêtant juste au bord.

Roubini peut énerver, mais il n’a pas raté les subprimes en 2008. L’OCDE reste prudente : l’Italie, la France et même l’Allemagne, déjà fragilisées chacune pour des raisons propres, n’éviteront pas une récession technique, deux trimestres négatifs. La question est toujours celle des effets en chaîne de ces épidémies, qui suivent, à la fois, quatre voies : la finance panique, l’offre se fracture, la demande s’affaisse, la psychologie s’effondre.

  • La finance panique, car elle prolonge toujours les cas extrêmes : ce sont les entreprises fragilisées, moyennes et grandes, qui devront licencier, ne pourront plus rembourser leurs emprunts, vont faire faillite. Pareil pour certains États.
  • L’offre se fracture, avec les ruptures d’approvisionnement, les stocks qui s’épuisent, les chaînes de production trop fragiles qui s’interrompent avec la Chine ou un autre pays, puis avec un troisième, et ainsi de suite.
  • La demande s’affaisse, quand les consommateurs ne voyagent plus, ne vont plus au stade, au restaurant ou au cinéma, et restent chez eux.
  • La psychologie s’effondre alors, quand les infections et les morts deviennent plus nombreuses, et surtout se rapprochent de vous.

Ce terrible mélange est explosif, constamment agité par les médias, jusqu’à ce que la température de la crise baisse. Mais comment la faire baisser ? D’abord en n’hésitant pas à expliquer cette mécanique de l’inquiétude, puis en traitant chacune de ses composantes, en attendant qu’un vaccin ne soit trouvé.

  • La finance panique : donc la Banque centrale américaine, la FED, baisse de 0,5% ses taux dans une action surprise le 3 mars, et Christine Lagarde annonce que la BCE se prépare à agir le 13. Comme on ne connaît pas l’étendue du choc, nous sommes ici dans le soutien d’ensemble, largement psychologique. Ces taux plus bas vont aider, en attendant que les entrepreneurs et les ménages aient une meilleure idée sur la sévérité et la durée de la pandémie. Il s’agit d’amortir le choc actuel sur un ou deux trimestres environ, puis de s’engager sur des taux encore plus bas et pour plus longtemps que prévu. Ce sera jusqu’après la fin de la crise sanitaire, jusqu’à ce que l’économie soit « guérie », avec en plus le soutien de déficits budgétaires accrus.
  • L’offre se fracture : donc il faut laisser se creuser le déficit budgétaire et prévoir des soutiens précis à certains secteurs ou types d’entreprises. Ce seront des délais pour les impôts et taxes au transport, au tourisme, des aides temporaires aux PME, un accès plus facile au chômage partiel.
  • La demande s’affaisse : donc il faut soutenir la consommation, différer les impôts et taxes des ménages. Une baisse des taux limitée au crédit à court terme peut aider.
  • La psychologie est donc décisive dans toutes ces interventions, notamment par leur caractère mondial, avec à côté des propositions pratiques pour se protéger, ne plus serrer de mains ou embrasser, fabriquer son gel hydroalcoolique, bref mettre « les gens » en confiance. Un G7 spécial sera bienvenu ou, plus difficile, un G20 dans lequel la Chine devra s’engager sur des mesures à prendre.

Bien sûr il faudra le vaccin, pour que les peurs diminuent. En attendant, le CODIV-19 aura fait plus de chômeurs que de morts, avec l’extrême nervosité face à cette épidémie. Ici par exemple, selon l’IFOP, 6 Français sur 10 se disent inquiets pour eux et leur famille, contre 4 sur 10 il y a un mois, soit plus que pour la grippe aviaire et la Grippe A (3 sur 10) ou l’Ebola (5 sur 10). De fait, cette crise survient quand le gouvernement français est aux prises avec les retraites, les Gilets Jaunes, les municipales… Les critiques sont extrêmes contre lui en région parisienne (66% d’inquiets), avec les proches des Gilets jaunes (72%) ou du RN (76%). Ce CODIV-19 est propice aux prophètes de malheur. Pour nous pétrifier ou nous pousser à changer ? Ça, ce serait trop beau !