Chat-CGT : que l’on permette cette américanisation syndicale. Il se trouve en effet que les États-Unis font actuellement face à des revendications salariales, très classiques ici, moins là-bas, menaces de grèves incluses. Il s’agit là-bas des routiers américains, avec leur très puissante organisation des Teamsters. Ils demandent, après la revalorisation des salaires des employés à plein temps déjà obtenue, celle des employés à temps partiel. Autrement, ce seraient une ou deux semaines de grève et un risque de récession. Récession qui serait évidemment de la responsabilité d’UPS, selon le Président du syndicat, cette entreprise avare qui a cédé depuis. Derrière attendent les salariés de l’automobile, d’American Airlines et de l’hôtellerie. On se doute que les entrepreneurs sont aux aguets, tout comme Jerome Powell, le Président de la Fed. Il doit juger avoir gagné sa lutte contre l’inflation à 3%, avec des taux à 5,5%, mais on ne sait jamais face à un marché du travail encore tendu.
Chat-GPT : cette fois, ce n’est plus dans une mine ou dans une usine textile que viennent d’éclater des mouvements sociaux, pas même chez les Teamsters, mais à Hollywood ! Ces « luddites » ne sont pas ceux qui suivaient le meneur Ludd dans l’Angleterre de 1811 qui détruisait les métiers à tisser. Ce ne sont pas les Canuts de 1831 à Lyon, révoltés de leurs conditions de travail. La CGT de 1895 n’est pas là non plus. En juin 2023, elle manifeste plutôt à Cannes, non pas aux abords du Palais du Festival, mais à ceux du Carlton, pour défendre la retraite à 62 ans. Aujourd’hui, ce ne sont plus de pauvres prolétaires qui sont en cause, mais des indépendants du cinéma inquiets pour leur futur. Derrière les doubleurs (de voix) et les scénaristes, voilà même des acteurs. Ici ne menacent pas les machines mécaniques, mais l’intelligence artificielle et le streaming, ces récentes manifestations de ChatGPT. Voilà la nouvelle machine à tisser des textes, gratuite et très facile d’usage.
Chat-GPT ? Generative Pre-trained Transformer, autrement dit : Transformateur Génératif pré-enTrainé. Quel sigle ! Transformateur, pour transformateur de mots et de paroles, Génératif, pour ne pas dire créateur et pré-enTrainé, car ayant en mémoire des milliards de textes et prêt à les adapter à qui lui demandera. Les ouvriers chinois sont dépassés. Ils regimbent contre leurs horaires, 9-9-6 : 9 heures du matin, 9 heures du soir, 6 jours par semaine. Mais avec Chat-GPT, c’est 24-24-7 : 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine, sans arrêt, aussi longtemps bien sûr qu’il y a de l’électricité et pas de panne d’ordinateur ou d’Internet.
On comprend les inquiétudes d’Hollywood, les traducteurs étant déjà devenus inaudibles devant Deepl, qui traduit immédiatement, et bien, le texte qu’on lui soumet. Ils se terrent. Certes, Chat-GPT se trompe souvent, invente, copie sans le dire, n’est pas si bon en mathématiques… Les critiques pleuvent sur lui. Mais il progresse de version en version, convainc les jeunes et les entreprises. Certains de ses créateurs, inquiets de leur créature, en viennent à proposer 3 mois de moratoire ! Mais on n’arrête ni Frankenstein, qui tue faute d’être aimé, ni surtout Prométhée, qui apporte aux hommes le feu : le savoir.
Qui va l’emporter, Prométhée ou Frankenstein ? Nous vivons en plein tourbillon d’innovations, pour vivre et vieillir mieux et plus nombreux, mais cette fois entre deux systèmes politiques qui entendent piloter le monde : les États-Unis encore, la Chine qui piaffe. Nous savons que toute innovation crée des peurs et des oppositions. Mais c’est la deuxième fois que le combat est en même temps technologique et politique, pour décider de la direction du monde. La première fit céder le Japon et l’Allemagne nazie, avec la bombe atomique et une domination américaine à la clef. Elle a duré 77 ans, du 6 août 1945 avec Hiroshima (et Oppenheimer) au 24 février 2022, quand la Russie a attaqué l’Ukraine.
Nous voilà bien loin, dira-t-on, de notre question : « Chat-CGT ou Chat-GPT ? ». En fait non, car changer est toujours la condition du progrès, aujourd’hui plus que jamais, avec plus encore d’avantages attendus en recherche, inventivité et productivité. Mais se pose cette fois un problème nouveau, qui est celui de la démocratie. Accepter les destructions d’emplois pour les moderniser est une chose, pas facile bien sûr, mais mener des analyses hors responsabilité humaine pour décider en est une autre, bien plus grave. Chat-liberT ?