BlaBlaCar, AirBnB, Uber, ou l’économie du partage

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BlaBlaCar : « voyagez moins cher en toute confiance ». Tout est dit. Pour aller de A vers B le jour J, je vais chercher qui peut me conduire, en ayant des informations sur lui. Je passe par une plateforme pour indiquer mon itinéraire et la date de mon voyage, puis si j’accepte le covoiturage avec tel conducteur qui se présente. Je réserve et paye par carte. Le conducteur est prévenu. Je l’appelle pour se mettre d’accord sur les conditions précises et le partage des frais. Et c’est parti ! BlaBlaCar : c’est l’icône du covoiturage, en dix ans. D’origine française, désormais mondiale, elle transporte plus de 10 millions de passagers en 2014 dans 14 pays, avec 600 salariés seulement. Et vient de lever 100 millions de dollars ! Des histoires semblables, il y en a des dizaines dans l’économie du partage, la sharing economy.

 BlaBlaCar, AirBnB, Uber, ou l’économie du partage

Car : au début il y a des gens qui veulent voyager, n’ont pas trop de sous, connaissent et aiment les nouvelles technologies avec ce qu’elles impliquent de réseaux sociaux et de goût de la communication. Post-crise + Internet. Il y a le car, le voyage, la mobilité à partir d’un bien possédé par une personne et qui ne l’utilise pas tout le temps, loin s’en faut, ni pleinement quand elle s’en sert. La voiture est au parking ou circule à moitié occupée. L’appartement est utilisé aux trois quarts. Notre capital matériel dort, s’use, nous coûte. Il nous profite peu ou pas, tant en termes économiques que sociaux. Autant en profiter plus en en faisant profiter d’autres : le jeu est à somme positive.

BlaBla : c’est l’idée de discuter, de multiplier les contacts dans cette économie de friends, au-delà de son réseau social ou local. D’où l’idée de partager l’automobile (BlaBlaCar, Covoiturage-libre, iDVROOM…), l’appartement ou la maison (Airbnb, Homelidays…), une expertise avec le jobeur (plombier, serrurier, peintre… souvent en recherche d’emploi qui, ainsi, se remet en selle). Mais on peut aussi partager des ressources avec le crowdlending (financement par la foule, en français financement participatif ou alternatif – Ulule, Unilend…) ou la propriété d’une petite entreprise avec le crowdequity (Sowefund…).

Partager d’accord mais le contrat doit être clair, avec un rating précis et transparent. Notre « partageux » n’est pas irresponsable. Ce qui est mis en commun doit être défini en termes monétaires, de durée et bien sûr de respect des choses prêtées ou partagées. Le contrat est largement moral. Il combine confiance et vérification – ceci étant compris et accepté des deux côtés. La plupart du temps ça marche, d’où le succès des formules. Mais pas toujours, comme en témoignent des histoires de toutes sortes (avec parfois des risques élevés, qu’on lit sur Internet). Il s’agit donc de renforcer les plateformes, de les sécuriser par rapport aux attaques et surtout de faire en sorte que l’information soit meilleure, autrement dit qu’on sache mieux qui est qui. Il faut qu’on contacte ou voie (Skype) la personne avec qui on va voyager ou qu’on va héberger. La vérification peut se compléter par la consultation de sites, de type LinkedIn ou plus spécialisés, sachant que les capacités de nuisance sont importantes dans cet univers des réseaux sociaux. Il ne rate rien en cas de mauvais comportement ! Cette logique conduit à l’économie d’un rating individuel et symétrique, aujourd’hui à ses débuts. Avec Uber par exemple, celui qui est conduit note le chauffeur. Le chauffeur le sait et si ses notes sont mauvaises, il sera débranché : il n’aura plus accès à la plateforme, donc aux clients. Mais le client aussi est noté par le chauffeur. Ainsi le prochain chauffeur aura une idée du client !

L’économie du partage est celle de l’individu face à un autre, de la personnalisation, de la démutualisation, du peer to peer. Elle court-circuite aujourd’hui en partie les réseaux du banquier, de l’assureur, du train, du taxi, du commerçant, de l’artisan… On comprend qu’ils râlent devant cette concurrence qui n’offre pas les mêmes garanties, ne paye pas leurs taxes ou leur pas de porte et évolue en bonne part dans l’économie grise. Pour se développer, cette économie du partage va devoir se normaliser, déclarer ses revenus, assurer, cotiser… Et l’économie traditionnelle devra l’adopter en partie, ou alors elle va beaucoup souffrir. Le passage de l’économie des choses à celle des relations n’est pas facile, mais au fond, pas si mal.

 

Voir sur ce sujet La famille très branchée dans une France branchée, le Zoom du 2 avril.