« Avantages acquis » l’expression revient, revue, dans le Dictionnaire de l'Académie française

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 « Avantages acquis » l’expression revient, revue, dans le Dictionnaire de l'Académie française

Suite aux problèmes sociaux qui animent les villes en bloquant ses rues, l’Académie française a décidé de revoir sa définition d’« avantages acquis ». Avantage, datant du XIIème siècle, est dérivé d’ « avant ». C’était alors : « ce qui est utile, favorable ». Pire, on lit plus loin : « Avantage acquis, dans une entreprise, amélioration du statut des salariés par rapport à ce que prescrit la loi ». Mais cela ne va plus, disent nos Immortels ! Voici leurs notes.

« Avantages acquis » : expression militaire, qui marque un viril engagement. D’origine militaire, elle traduit une avancée (d’où le nom), dans un terrain sinon ennemi, du moins difficile. Le « viril engagement » est l’idée qu’il faut poursuivre l’effort, en renforçant la position. L’avantage acquis n’est jamais stable. Il est le point de départ d’autres avantages multiformes (économiques, médiatiques, juridiques…), qu’il s’agira de coordonner, pour créer un ensemble d’autres « avantage acquis », plus avancés encore. L’ « avantage acquis » est l’exact contraire de « l’avantage consenti » : il ne s’agit pas de charité, mais de lutte(s). « Ce que prescrit la loi » en est la pure transcription, bien après.

En économie, cet « avantage » est une perturbation, car il ne peut être acquis que « parce que » et « contre ». « Parce que » : l’avantage est une compensation. Il se traduit par des salaires plus élevés, des horaires plus courts, une retraite plus proche, ou autre. Pourtant, on ne retrouve pas dans la littérature médiatique, politique ou syndicale, l’expression « compensation acquise ». Sans doute parce qu’elle révélerait un échange, un accord voire pire : une connivence. Surtout, « compensation acquise » est syndicalement inacceptable, car elle disparaîtrait dès lors que disparaîtrait sa raison d’être. Quand le danger diminue avec une nouvelle technologie, le bruit s’estompe avec une nouvelle machine, la fatigue s’atténue avec le robot, pourquoi donc gagner plus ou travailler moins « en compensation » ? Pas ce problème avec l’avantage acquis : il est là pour s’étendre et, au moins, doit être défendu

« Avantage acquis »… contre, donc. Contre le patronat, en réduisant son profit dans une lecture marxiste que l’on retrouve partout, sous forme édulcorée. Mais le patronat ne manquera jamais de réagir : son profit est atteint ! Il faudra alors avancer pour maintenir, au moins, les « avantages déjà acquis », obtenir des compensations, ou, mieux, plus d’avantages, tandis que, de son côté, le patronat mécanisera, sous-traitera, délocalisera… ou augmentera les prix ! En fait, l’expression « avantages acquis » conduit à de fausses interprétations puis qu’ils sont tout sauf… acquis. L’avantage peut se réduire, disparaître, voire se retourner en son contraire. La lutte autour des « avantages acquis » est violente dans le privé. En revanche, elle est plus diffuse et tardive dans le secteur public, où le déficit et la dette publique permettent aux différents « patronats publics » d’attendre avant de réagir. C’est une guerre d’usure qui s’engage, usure des « usagers » s’entend, devenus « clients », ce qui est leur « avantage acquis » linguistique.

« Avantage acquis »… pour, aussi. Et on n’en parle jamais ! Pour Rotterdam contre Le Havre (Marseille aillant disparu), pour la Deutsche Bahn contre la SNCF, pour des entreprises privées si les déficits des TER demeurent, pour les tablettes électroniques si les prix du journal papier ou du livre montent encore, pour les ouvriers chinois puis vietnamiens, au fur et à mesure que montent les coûts ici, pour les robots et Alibaba. Ceci conduit à corriger le dictionnaire actuel : « Vous avez sur vos concurrents l’avantage d’être du pays », c’est : « vieilli, sinon contraire ». « Je ne jouerai contre lui que s’il me donne de l’avantage » : c’est « faux, quand on voit ce qui se passe entre Trump et Xi ».

C’est pire avec : « L’avantage du terrain, la supériorité morale dont bénéficie l’équipe qui joue sur son propre terrain ». « Supériorité morale » est une expression quasi disparue. Surtout, il y a contresens : l’avantage acquis est précisément l’idée d’aller sur le terrain de l’autre. La supériorité n’est donc pas « morale » mais « du moral », et seulement si l’acquis persiste.

Bref, la définition académique mise à jour devient : « Avantage acquis : expression militaro-syndicale qui traduit un état précaire qui ne présage rien de bon. Voir : Knock ».