Attention : épidémie de folie obligataire !

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 Attention : épidémie de folie obligataire !

Le client appelle sa banque : Allo, bonjour, je veux du rendement ! Je ne supporte plus ce bon du Trésor français à 10 ans qui me rapporte 0,63% l’an, sachant que l’inflation est à 0,8% ! Je ne veux pas du bon allemand (votre bund) à 0,27% pour une inflation à 2%, pire que 2,2% aux Etats-Unis à 10 ans, avec une inflation à 1,5% ! Et ne me parlez pas du 0,03% japonais, sous prétexte que l’économie sort de déflation !

Le banquier : Je vous comprends. Mais vous savez que la croissance est lente partout. Il n’y a plus d’inflation, même avec ces politiques monétaires inouies, et même en plein emploi, comme aux Etats-Unis ! C’est à n’y rien comprendre ! Au moins, il n’y a pas de risque de défaut ! Vous voulez de l’épicé ?

Le client : Pas de risque de défaut américain ? Plus d’inflation ? Mais la dette publique a dépassé le 15 mars son plafond légal de 20 trilliards. Elle joue les prolongations jusqu’en septembre-octobre. Et si le Congrès ne vote pas son augmentation : défaut ! C’est « épicé », comme vous dites, de penser à la fermeture d’administrations américaines dans trois mois, pour manque de trésorerie ! Mais l’Italie donne 1,8%, alors qu’elle pourrait voter pour des populistes et l’Espagne 1,3%, quand elle se prépare à la sécession catalane… qui signerait son défaut ! Ça c’est « épicé », mais même pas payé !

Le banquier : Vous avez raison. Patientez un peu : la Grèce va revenir sur le marché. Ses bons rapportent 5,5% aujourd’hui, mais il y en a très peu. Le pays est surendetté : il ne s’en sortira pas et sa dette est détenue pas les autres pays de la zone euro qui la portent à bout de bras et pour pas cher – nous !

Le client : Et alors ?

Le banquier : Alors… la Grèce sort la tête de l’eau. Bientôt, quand Angela Merkel sera réélue, nous abandonnerons une part de notre dette et nos Grecs pourront s’endetter de nouveau !

Le client : Je vois. Vous m’annoncez une montée de mes impôts, puisque les Grecs ne paieront pas ce qu’on leur a avancé, puis vous me proposez de leur avancer mon épargne, pour qu’ils me fassent pareil ! Merci !

Le banquier : Mais ce ne sera pas tout de suite ! Et j’ai mieux, mais pas beaucoup !

Le client : Pourquoi ne pas me le dire ?

Le banquier : Voilà : l’Argentine vient de lancer une obligation centenaire pour 2,8 milliards de dollars. Ce n’est pas beaucoup, mais elle est encore notée en catégorie spéculative, avec une lourde histoire de huit défauts souverains et vient à peine de sortir de récession ! N’empêche : elle vient d’émettre à 100 ans, avec un rendement de 7,9%. Son Président séduit, ça change des Kirchner. Et quand on parle aux investisseurs du risque de ce pays, sur un siècle, ils vous répondent qu’en 12 ans de rendement, vous aurez récupéré la mise ! A partir de la treizième année, c’est que du bénef !

Le client : C’est assez fou, mais moins que les subprimes des années 2000 qui rapportaient beaucoup, promis, mais sans risque aucun, juré ! Je me souviens de ces montages magiques, que vous me présentiez alors. Ils faisaient disparaître le risque dans des structures complexes où il était découpé en fines tranches, toutes différentes, où chacune était assurée selon son risque propre.

Le banquier : Je perçois la critique, et vous avez raison. Mais cette fois, on ne vous cache plus le risque : on parie sur le fait qu’il arrivera plus tard qu’avant !

Le client : J’ai compris : 12 ans pour l’Argentine, 20 ans pour la Grèce !

Le banquier : Mais c’est pareil pour les obligations des entreprises ! Les entreprises AAA vous donnent du 0,04%, c’est du 10 ans Japon, les AA 0,16%, du Merkel, les A du 0,6%, du Macron !

Le client : Et le « vraiment risqué », le high yield comme vous dites ?

Le banquier : En matière de « haut rendement », on a 1,2% pour les entreprises notées BBB, « de qualité inférieure », 2,8% pour du BB « spéculatif » et « l’ultra-spéculatif », le C, vous donne du 6,8%, moins que le 100 ans argentin !

Le client : J’ai compris, mais le 100 ans, c’est tout petit – même pour les meilleures signatures, liées à des besoins à satisfaire de très longue durée. On a eu 300 millions pour GDF Suez en 2011 (à 5,95% au début), 700 millions pour Engie en 2014 (à 6% au début aussi). Donc, pour avoir du rendement, il faut maintenant que j’aille sur du très risqué et pendant très longtemps !

Le banquier : Oui. Au moins, vous ne pourrez pas me dire que je vous ai caché le risque ! Alors : qu’est-ce que je vous mets ?

Le client : Où en est Trump, avec son idée d’emprunt à 100 ans ?