Discussion de comptoir...
Un consommateur : Vous avez vu ? Jamais notre monde n’a été aussi longtemps en paix depuis la « deuxième guerre mondiale ». Ça ne peut pas durer ! Il faut que les hommes se battent !
L’autre : On dit – « seconde guerre mondiale ».
L’un : Pourquoi donc ?
L’autre : Parce que l’Académie française stipule qu’on dit « second » pour deux éléments, et « deuxième » au-delà. Donc, dire « seconde », c’est pour éviter la troisième !
L’un, qui riposte : Oui, mais l’Académie ajoute que cette règle n’est pas obligatoire ! Nous avons donc droit à une « troisième », si nous disons : « la deuxième » !
L’autre : D’accord, cessons ces guéguerres, et c’est moi qui ai commencé ! Et nous sommes bien d’accord aussi sur le fait qu’entre ces deux « grandes guerres », nous avons eu sans arrêt des conflits mineurs. C’étaient des guerres frontalières et autres tensions « de basse intensité », comme disent les spécialistes. Mais au moins, de 1947 à 1991, jusqu’à la fin du système soviétique, ces chocs étaient « compatibles » avec la « guerre froide », autrement dit encadrés par les USA ou l’URSS. Maintenant ce n’est plus le cas. Il y a partout des paix armées et des proliférations nucléaires, avec en sus des batailles du faible au fort, des guérillas, puis du fou (religieux) au fort. Et ces batailles sont désormais relayées par la montée des nationalismes et des populismes, et en plus exacerbées par les réseaux dits « sociaux ». La guerre n’est plus « froide », la paix devient chaude. Comme une casserole de lait, avec des bouillons de plus en plus gros qui crèvent à la surface… jusqu’à ce que tout déborde.
L’un, qui gagne : Donc c’est la troisième guerre mondiale ! Un cataclysme majeur, histoire d’apurer les conflits qui s’accumulent, d’oublier les dettes, de « remettre les compteurs à zéro », de changer de générations d’armements, de réécrire les cartes, bref de purger les passions ! Nous allons relancer la machine à bâtir, après avoir détruit.
L’autre : Cynique ! Et avec combien de puissances nucléaires ?
L’un, savant : Disons 15 – 5 officielles, États-Unis, Russie, France, Chine et Royaume-Uni, plus Pakistan, Inde, Israël et Corée du Nord, plus assez vite Arabie saoudite (grâce au Pakistan) donc l’Iran, en attendant des proliférations en Asie et ailleurs. Ah, j’oublie les « bombes sales » comme on dit, aussi dangereuses que nos belles « bombes propres ». Elles répandent autour d’elles des déchets très longtemps radioactifs. Et j’oublie aussi les armes chimiques, celles de pays plus pauvres encore que ceux qui font les bombes sales !
L’autre, qui s’échauffe : Donc tout est prêt pour se détruire, puisque c’est dans la nature de l’homme ?
L’un, qui s’énerve : Pas « se détruire ». Pas « prévu » de tout détruire et de nous tuer tous ! C’est toujours pareil : ce sera terrible, mais on repartira sur de meilleures bases avec les rescapés des pays. Ils viendront des plus protégés (États-Unis) ou bien des plus peuplés (Chine) ! Il y aura donc des gagnants à ce désastre : les survivants !
L’autre : Vous n’avez pas honte !
L’un, tout rouge : Et ceux qui attisent les nationalismes, affaiblissent alliances et traités internationaux, veulent casser la zone euro, jouent avec le Brexit, les Kurdes et la Turquie – ils n’ont pas honte ? Et les États-Unis qui disent qu’ils ne veulent plus être garants de la paix du monde, ce qui pousse chacun à s‘armer plus ?
L’autre : Quoi, la guerre viendra parce que la puissance dominante ne l’est plus assez !
L’un : C’est comme toujours – vous dominez, tout le monde se tait. Vous vous partagez la tâche avec l’URSS, ça peut continuer. Mais pas à dix !
L’autre : Alors, « si tu veux la paix, prépare la guerre » ne marche plus !
L’un, sûr de lui : Non, nous sommes trop nombreux à ne pas vouloir assez la paix ! Nous ne voulons pas assez investir, par exemple en zone euro, pour la défense. Chacun veut ses bateaux, avions, hélicoptères, tanks ou « cyber troupes », selon « ses » besoins. Donc, pas d’industrie de défense assez puissante pour tous. Donc, tout est plus vite dépassé et plus cher !
L’autre : En plus, nous sommes fous de ne pas surveiller Steve Bannon à Bruxelles, de ne pas voir les risques qui pèsent sur l’euro, pour nous polariser sur les « gilets jaunes » !
L’un, soudain gentil : Pour gagner, il faut se renforcer, affaiblir l’autre, lui envoyer des leurres et des fake news ! Allons, vous prendrez bien un deuxième verre !
L’autre, méfiant : Oui, si c’est le second !