Yellow Submarines

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 Yellow Submarines

La force armée prime sur tout. La realpolitik est d’autant plus real qu’elle est internationale, entre grandes puissances, notamment quand le militaire s’en mêle. Les événements récents « entre » Australie et France, avec les États-Unis et le Royaume-Uni derrière (AUKUS : Australie, UK, US) et la Chine en toile de fond, en sont la preuve.

Biden est un anti Trump : moins efficace, parce que moins méchant. Trump voulait faire du commerce et des deals : il n’avait ni ennemis, ni amis. La politique suivrait. Il cherchait des contrats gagnants pour les US, ayant hérité d’Obama, selon lui, d’une pléthore d’accords perdants.

Sur l’Europe, le jugement de Trump est fait : ce sont des entreprises, pardon des pays, sympathiques mais dépassés, apeurés par ceux qui les entourent et ce qui leur arrive. Ils prient pour que les États-Unis les protègent, mais sans payer !  Et celui de Biden ?

Sur  la Chine, c’est « sans doute » un ennemi pour Trump et « surtout » un concurrent. Et pour Biden ? L’inverse. Un concurrent « sans doute », un ennemi « surtout ». Obama, avec le TTP (Trans Pacific Partnership) avait monté un accord commercial avec 12 pays (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, États-Unis et Vietnam), 40% de l’économie mondiale, pour « contenir » la Chine. Un accord qui voulait pousser la Chine à « adapter ses règles », autrement dit à mettre en cause la propriété publique de ses entreprises, jugée anti-concurrentielle. Que cela ! Mais Trump préfère les deals « d’homme à homme » et fait un peu revoir ce TTP. Et voilà que le Royaume-Uni frappe à la porte de l’Asie, ayant largué ses amarres européennes !

Mais la Chine est maligne ! La manœuvre Obama d’encerclement était limpide. Alors la Chine crée, vite, son propre réseau fin 2020 (RCEP, Regional Comprenensive Economic Partnership) avec 15 membres (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Australie, Inde, Japon, Corée du Sud, Nouvelle Zélande), avec de beaux recoupements entre les deux, puisqu’il s’agit (officiellement) de commerce ! Et la Chine vient de demander à joindre le TPP, le lendemain de l’annonce de l’accord AUKUS, sachant que les membres du TPP, dont l’Australie, y ont droit de veto ! Qui donc embête et encercle qui ?

Les « valeurs », chères à Joe Biden, attendront. Le départ des troupes américaines d’Afghanistan a surpris tout le monde, alliés comme Talibans. Joe Biden a expliqué qu’il n’avait pas le choix, les conditions de départ ayant été signées par son prédécesseur. Il ajoute, belle âme, qu’il aurait eu plus de temps pour mieux partir, si l’armée afghane avait décidé de se battre plus, donc de mourir plus, avant de disparaître. Mais on découvre que les soldats ont vendu leurs fusils et les politiques locaux « monnayé » leur départ. Le nation building, l’attachement au pays n’est pas qu’une question d’argent et prend plus de vingt ans !

Après l’OTAN, une « OTP » ? L’Organisation d’après-guerre protégeait des Russes, dans l’Atlantique Nord. Faut-il une Organisation Trans Pacifique, par rapport à la Chine ? Et pour la Corée du Nord ? L’OTAN était le pendant militaire du commercial Plan Marshall pour reconstruire l’Europe de l’Ouest, face au « rideau de fer ». Mais Australie et Nouvelle-Zélande ne sont pas en ruines et la Chine n’est pas la Russie de 1945 : le volet militaire de l’accord « OTP » devra-t-il être bien plus important ?

A côté de l’OTAN et de cette « OTP », une nouvelle CED, Communauté Européenne de Défense ? La CED, c’était en son temps pour compléter la CECA, la Communauté Européenne Charbon Acier de 1950. Un Traité militaire est signé en 1952 entre France, Allemagne de l’Ouest, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg, mais pas ratifié. Il sera enterré en France en 1954 par les communistes (pour soutenir la Russie) et les gaullistes (pas de commandement américain). Il n’y aura donc pas d’armée européenne, pas d’industrie européenne de défense, des équipements coûteux faute de séries suffisantes et dépendants de l’autorisation américaine pour des puces sophistiquées ! Pas de surprise si Ursula von der Leyen annonce le 15 septembre, après le retrait américain d’Afghanistan, une… réflexion sur l’Europe de la défense. Il y aura, promis, un « centre de connaissance » et « des plateformes européennes communes, des avions de combat aux drones et au cyber » !

Après 50 ans, ces Yellow Submarines nous ont fait sortir la tête de l’eau !