Vienne : dans la réunion de l’Opep+

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 Vienne : dans la réunion de l’Opep+

Vienne, 17 de la rue Helferstorfer, siège de l’OPEP, dans le bureau du Secrétaire général, Haitam Al Ghais. Attendent les délégués de l’Arabie saoudite et de la Russie. Sujet de la réunion, privée autant qu’amicale (bien sûr) : les décisions de production d’or noir du cartel, à déterminer par ses deux « patrons ».

Entre la Russie, deuxième producteur mondial (officiel). Elle guide 9 pays producteurs, en allant par ordre décroissant d’extraction jusqu’au Soudan et à l’Afrique du Sud. Suit l’Arabie saoudite, aujourd’hui troisième producteur mondial (officiel). Elle « gère » 10 autres pays, allant, toujours par ordre décroissant, jusqu’au Congo, au Gabon et à la Guinée équatoriale.

Les deux entendent stabiliser les cours du pétrole en coordonnant les extractions de chacun, tous communiquant leurs chiffres à Vienne.

Nota : le premier producteur mondial, les États-Unis, non plus que le quatrième, le Canada, ne sont là. Évidemment.

Le Secrétaire général : Messieurs, nous devons débattre de notre politique pétrolière conjointe. C’est nous qui faisons le prix du pétrole, mais avec des capacités, des coûts et des réserves différents entre chacun. Rester unis est donc décisif, plus encore aujourd’hui, où la globalisation, qui nous arrangeait tant, s’éloigne.

L’Arabie saoudite : Oui, nous avons devant nous beaucoup de problèmes ! Le premier et plus important est ce ralentissement mondial, qui pèse sur la demande et peut faire baisser les prix. Le deuxième est la tension entre Chine et États-Unis : elle fractionne les chaînes mondiales de production. Nous assistons à une vague protectionniste où « l’Occident » rapatrie, chez lui ou près de chez lui, des productions qu’il juge stratégiques. Ceci fait partout baisser la croissance et monter les prix.

La Russie : Peut-être aussi que « l’opération militaire spéciale » que nous menons en Ukraine complique les choses. L’Allemagne vient de découvrir qu’elle nous achète du gaz et du pétrole que nous lui livrons à domicile.

As : Livrions…

R : Livrions.

SG : Oui, tout s’ajoute, plus les dérèglements climatiques qui nous sont imputés et qui poussent à rouler à vélo, avec de petites automobiles en attendant les électriques, et à moins utiliser l’avion. Plus le télétravail et les vidéoconférences. Encore quelques années et les moteurs thermiques seront interdits. La mode est d’être plus lent, économe et calculateur. Et nous, nous sommes polluants, inflationnistes, néfastes !

As : Oui : les ennemis de tous, moins que le charbon, autant que l’uranium, alors que nous sommes la liberté de tous. Longtemps, nous avons pensé ici que, pour ne pas nous retrouver avec du pétrole en sous-sol, il fallait en extraire beaucoup. Ça en stabilisait le prix et ralentissait toutes ces politiques qui voulaient nous économiser.

R : Mais les écolos s’y sont mis, avec leur « décroissance » ! 

As : Plus l’Ukraine !

SG : Tout s’ajoute. Alors les prix montent, les marchés financiers s’en mêlent et rêvent d’un baril à 100 dollars. Vient l’inflation : les vrais coupables, c’est nous ! Que faire ? Soit on extrait plus, pour faire baisser nos prix, calmer l’inflation et ralentir la folie anti-voiture. Soit on extrait moins, pour en profiter autant qu’on peut, ce qui tiendra les prix au-dessus de 90 dollars le baril ?

R : On ne pompe pas plus, j’ai des frais !

As : On ne baisse pas les prix, je suis en déficit budgétaire !

R : Parce que vous investissez comme des fous pour « l’après-pétrole ».

As : Parce que votre guerre plombe la croissance mondiale et que vous faites des rabais aux Chinois et aux Indiens pour survivre !

SG : Restons unis ! Alors : on baisse encore la production pour augmenter les prix, comme en août 2023 avec moins 800 000 barils par jour, pour rester en dessous des 2,4 millions ? Nous produisons 30 % à l’OPEP du pétrole mondial plus 20 % avec « les + » : la moitié !

R : Non, passer au-dessous de 50%, c’est ne plus peser !

As : Non, baisser la production, c’est faire repartir l’inflation !

SG : Collons donc au PIB mondial. Relions extraction à croissance : moins de PIB, ce sera plus de barils. Alors leur prix baissera, ce qui aidera aux remontées du PIB… puis de leur prix, après.

Un portable sonne.

As : 157$ ! C’est le prix du baril avec la guerre en Palestine qu’annonce la Banque mondiale, et « seulement » entre 109 et 121 pour une « perturbation moyenne »… Alors ?

R : On ne bouge pas, qu’Israël arrête.

SG : Politiquement, je comprends. Et si le prix explose ?

Les trois : On se réunit.