1100 dollars l’once maintenant, avec une timide remontée ces derniers jours (crise chinoise ?), contre 1300 environ fin janvier et 1200 entre avril et juillet : - 20 % en six mois, - 5 % en un ! Que se passe-t-il ?
Cette baisse ne vient ni des bijoux, ni de l’industrie. Certes, la croissance faiblit en Chine, mais pas en Inde, où le métal jaune fait toujours fureur. L’or industriel reste nécessaire, même si le ralentissement des pays émergents en réduit la demande.
« L’or finance » serait-il alors en jeu ? Lequel ? L’or qui incarne le pouvoir ? Avec la « faim sacrée de l’or » (auri sacra fames), nous sommes dans la psychanalyse, qui n’est pas si volatile. L’or qui protège de tout ? Nous voilà dans le traitement de la peur, qui n’a pas de raison de baisser. L’or qui protège de l’inflation ? Mais regardons les trois étapes passées :
- Prix de l’or stable de 1990 à 2006 : 17 ans à 400 dollars l’once, quand les prix montent de 30 % en France. Mauvais calcul pour le détenteur de lingots.
- Jackpot entre 2006 et 2011 ! L’or passe de 440 dollars l’once début 2006, à 1000 en 2010 puis à un maximum de 1740 dollars en septembre 2011 (source Insee). Un quadruplement en six ans, quand les prix augmentent de 6 %. L’hyperinflation menacerait-elle ? Pas du tout : on craint la déflation.
- Baisse en paliers aujourd’hui. Aucun calme politique bien sûr (Daesh, Iran, Chine-Japon…) mais une inflation moyenne annuelle à 1 %. Retenu avec la crise grecque, il baisse quand elle s’éloigne et remonte aujourd’hui avec la Chine, pour un temps. Il retrouve son niveau de mai 2010.
Pourquoi ces mouvements si violents, et cette baisse ? Quatre raisons.
Un, la demande chinoise d’or ne devrait plus être forte. La Banque centrale de Chine, même au temps de sa splendeur, n’a pas été si acheteuse de lingots qu’on le pensait. Et demain moins encore, avec le « ralentissement » économique qu’elle subit, plus les chocs boursiers en cours, plus ses interventions pour tenir le Yuan. Elle vient d’indiquer qu’elle détenait 1658 tonnes d’or contre 1054 en 2009 – dernier chiffre connu, alors qu’on pensait (Bloomberg) à 3500 tonnes ! La Chine en reste quand même un de ses principaux détenteurs derrière les Etats-Unis, 8133 tonnes, mais ce n’est pas pareil.
Deux, la désinflation est la nouveauté de cette économie d’après crise. Les salaires des traders ont disparu, remplacés par ceux, bien plus raisonnables, des gestionnaires de bases de données. Regardons les Etats-Unis : un taux de chômage à 5,3 % et une inflation hors pétrole et produits agro-alimentaires (qui sont plus volatils) à 1,8 % ! Normalement, avec ce chômage, les salaires devraient dépasser 4 % d’augmentation, contre 3,6 % actuellement. Et l’inflation totale devrait aller vers plus de 2 %. Mais, avec le dollar fort et le pétrole qui baisse, la voilà à 0,3 % ! C’est un autre monde qui s’ouvre, celui du partage et de l’uberéconomie.
Trois, Janet Yellen va monter ses taux courts de 0,25 %, disons en septembre, ce qui va faire monter les taux longs, surtout ceux à deux ans. Elle va continuer l’an prochain et annonce même 1,25 % en fin 2016, ce qui voudrait dire trois hausses de taux courts. Alors, les taux longs à 10 ans pourraient remonter de 0,8 %. Le détenteur d’or qui perd aujourd’hui 2,3 % de rendement en ne détenant pas d’obligations en perdrait plus de 3 % par an, sachant en plus que le prix de l’or est orienté à la baisse. Ne rien gagner à acheter de l’or et en perdre à le garder, notre spéculateur qui a acheté son lingot avant 2010 va vite choisir : vendre ! L’or sera alors le refuge de ceux qui auront beaucoup gagné en le vendant au plus haut, le remords de ceux qui n’auront pas vendu quand il le fallait, la peine de ceux qui l’auront acheté cher et sont scotchés avec.
Quatre, l’or perd peut-être son statut de refuge dans un monde à trois grandes monnaies : dollar, euro et Remnibi/Yuan (Chine). On pourrait alors plus facilement trouver une garantie par rapport à des risques plus délimités, et en changer quand les risques changeront.
En attendant, ces baisses de l’or, des matières premiers agricoles et du pétrole créent un vrai contrechoc. La question financière sera de savoir si cette glissade, avec la montée des taux courts et longs, fera baisser les grandes bourses. Aucune raison, si la hausse des taux courts américains est « bien faite », modeste et espacée, et surtout celle des taux longs réduite. Quant au prix plancher, 400 dollars, il voudrait dire qu’on serait aussi tranquilles qu’en 1990… ou le dollar super fort ! Nous n’y sommes pas.
Voir sur ce sujet Quand l’or se met à fondre, le Zoom du 13 août.