Vers un krach obligataire ?

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On ne sait jamais, avec les marchés financiers ! Mais le miracle des taux bas actuels ne peut être éternel, d’autant plus que plusieurs messages viennent d’être émis la semaine passée. Ecoutons-les avec attention : les banquiers centraux n’ont pas l’habitude de parler fort !

 Vers un krach obligataire ?

Ecoutons d’abord Mario Draghi, jeudi 8 septembre. Il annonce, au détour d’une phrase, qu’il va créer une Commission spéciale. Elle sera chargée d’examiner les produits financiers que la Banque centrale européenne pourrait acheter. Mais pourquoi donc ? Normalement, la BCE va continuer à acheter, chaque mois, 60 milliards d’euros d’obligations publiques et 20 milliards d’obligations privées. Elle vient de dépasser le cap de 1000 milliards d’euros de dette publique dans son bilan. Elle a maintenant presque le quart de la dette allemande et près de 15% de la dette française. La voilà désormais un des plus gros acheteurs au monde. Ainsi, dans quelques mois, en mai 2017, quand s’achèverait son plan prévu d’achats de bons du Trésor, en langage banque centrale : quantitative easing, elle devrait en avoir pour 1660 milliards d’euros.

Les effets de cette politique sont miraculeux. L’Allemagne s’endette à 10 ans à 0,01% et à plus de vingt ans pour 0,4% ; la France s’endette à 0,16% à 10 ans. Mais, avant que Mario Draghi ne parle, l’Allemagne s’endettait à des taux négatifs (-0,1%) et la France à 0,03%. On pourra dire qu’il s’agit là d’évolutions minimes, sauf qu’elles vont à l’inverse de la tendance antérieure et de ce que cherche Mario Draghi : faire baisser les taux pour stimuler la reprise. Que s’est-il donc passé ?

Derrière cette Commission, il y a en effet une question : y a-t-il assez de « papiers » à acheter, compte tenu de la voracité de la BCE, sachant que l’Allemagne émet moins de dette et que la banque centrale s’est donné une série de règles d’achats, sur lesquelles elle vient buter ? Les marchés se disent immédiatement que, d’ici quelques mois, il faudra qu’elle change ses règles, ce qui les perturbe et qu’en tout cas le moment où elle réduira ses emplettes approche. Une seule conclusion à tirer pour eux : les taux d’intérêt ont fini de baisser, donc ils vont monter. Le krach s’avance !

Ecoutons bientôt Janet Yellen aux Etats-Unis. Elle devrait annoncer qu’elle se prépare à augmenter ses taux, mais pas tout de suite, compte tenu de la reprise économique qu’elle veut prolonger. Elle ne parlera pas d’élections présidentielles bien sûr, mais y pensera beaucoup, comme tout le monde. Les marchés comprendront que la prochaine hausse aura lieu en décembre, que les taux d’intérêt à long terme vont se mettre à monter. Là aussi, on parlera de tantrum, autrement dit de colère, comme celle des enfants, en se souvenant de ce qui est arrivé lorsque Ben Bernanke avait annoncé qu’il allait réduire (taper), un jour, ses achats d’obligations. Depuis lors, les marchés sont fébriles devant tout risque de taper tantrum, autrement dit du moment où la Fed achèterait moins de bons du Trésor, elle qui en a acheté depuis la crise pour plus de 2000 milliards de dollars et en possède plus de 18% du total. Il y a du krach dans l’air !

Ecoutons, juste après, Haruhiko Kuroda, le patron de la Banque centrale japonaise. Voilà des mois que l’on sait qu’il est ennuyé d’avoir tant acheté de bons du Trésor japonais, au point que leur rendement a atteint -0,3%. Comment vont vivre les retraités japonais ? Si le Gouverneur Kuroda continue ses achats, il risque d’inquiéter tout le monde. S’il les réduit, il inquiète tout le monde : le taux à 10 ans est ainsi passé de -0,3 à -0,03% en quelques jours. Là encore, il y a du krach dans l’air.

Que ce soit au Japon, en zone euro ou aux Etats-Unis, les banques centrales vont bientôt acheter moins de papiers publics. Un grand taper se prépare, qui peut faire un grand tantrum, comme diraient les banquiers centraux, moins d’achats de bons du Trésor, qui feraient monter les taux, comme nous dirions nous. Bref, Il y a du krach dans l’air !

Bien sûr, on nous dira que ceci est excessif et repose sur quelques chiffres, sur quelques jours. Les banquiers centraux vont s’employer à calmer le jeu et à réduire le risque de colère des marchés. Il y a intérêt, car autrement c’est la bourse qui va baisser, affectant une croissance peu flamboyante. Pourtant, il faudra cesser de rêver. C’est maintenant que les hommes politiques doivent faire les réformes, maintenant que l’argent n’est pas cher. Après, on pourra pleurer. Ce sera un autre quinquennat.