Tous chez « ma tante » ! Voilà que le Président Poutine se dit qu'il pourrait vendre une part de ses participations dans les entreprises publiques, en particulier pétrolières. On parle de Rosneft.
Voilà qu’Abdallah (ben Abdelaziz Al Saoud), fils du roi d’Arabie saoudite, indique qu’il pourrait vendre une part de la société qui possède les réserves pétrolières du royaume. Il s’agit d’Aramco, qui vaut bien plus que Google !
Voilà qu’Emmanuel Macron nous dit que l’État est « surinvesti » dans certains secteurs. Il pourrait réallouer cet argent. Il s’agirait par exemple de vendre un bout de RTE (Réseau de transport d’électricité)… pour aider EDF, qui a tant à faire avec Areva et Flamanville. D’ailleurs, ce même EDF va s’associer à des entreprises chinoises, non seulement pour construire en Chine, mais aussi… au Royaume-Uni. Décidément, l’argent manque.
De fait, les riches exportateurs le sont moins quand le prix du pétrole s’effondre. Ils se découvrent alors un secteur public trop important et un secteur privé trop faible. La rente qui avait suscité ces distorsions n’est plus là. Dans les pays industriels, tous surendettés et avec de moindres perspectives de croissance, les entreprises publiques, autrefois « actif stratégique », sont devenues « monnaie d’échange ». Leur privatisation partielle est nécessaire pour que ces « vieux pays » continuent de fonctionner et, souhaitons-le, de financer leurs changements. Alors, les sociétés publiques doivent ouvrir davantage leur capital pour se développer, dans ce monde plus concurrentiel et instable.
Voilà donc les Etats en train de vendre ce qui était auparavant impensable, leurs « bijoux de famille ». Malheureusement, l’expression est trop belle. Hors l’espoir que leur valeur va monter (sans compter les souvenirs), les « bijoux de famille » ne rapportent rien. Ils aident aux mariages, aux successions et aussi à régler quelques problèmes. Mais aujourd’hui, les bijoux de l’état actionnaire – mines, réserves, autoroutes, grandes entreprises… – ont tous baissé de valeur. Et ce sont leurs revenus futurs qu’il s’agit de vendre. C’est pire.
Mais comment faire autrement ? La sortie de crise est lente chez les industrialisés, les émergents inquiètent. Figure de proue de ces industrialisés, les Etats-Unis sont en plein emploi depuis des mois, mais avec une croissance modeste. Leurs salaires viennent à peine d’y augmenter, parce qu’une part des salariés a quitté, déqualifiée, le marché du travail. Chez les pays émergents, la chute des prix du pétrole, suivie de celle des autres matières premières, les force à sortir des logiques de rente, ce qui est plus facile à dire qu’à faire. La dette publique mondiale augmente et inquiète de plus en plus. Les taux baissent pour les meilleurs, explosent pour les moins bons.
Donc, pour que la crise financière s’éloigne, il faut d’abord que les agences de rating stabilisent leurs positions sur les pays sous « observation négative », comme elles disent. Pour cela, une solution rapide : se désendetter. Et pour se désendetter, une solution rapide : vendre les actifs.
Mais pour vendre, encore faut-il trouver acheteur ! Quand le prix du baril est à 30 dollars, ce n’est pas le meilleur moment pour vendre des champs pétroliers ! Quand la croissance est partout en jeu, ce n’est pas non plus le meilleur moment pour vendre des actifs « classiques », sinon dépassés !
Mais c’est toujours pareil. On ne vend jamais les bijoux au plus haut, mais chez « ma tante » ! Ces ventes ont des raisons budgétaires et financières, elles auront des effets géopolitiques. Elles entraînent des déplacements massifs de rentes, autrement dit de croissance future.
Surtout, la vraie question est de savoir si vendre ces bijoux de famille sauve… la famille. La réponse est non, et au contraire, si la famille (l’économie) ne change pas.
Vendre les bijoux permet de se désendetter, mais si les prix des matières premières continuent de baisser chez les émergents ou si l’ensemble des prix et profits continue de ne pas monter assez chez les industrialisés, il faudra continuer. Le désendettement obtenu réduit le patrimoine public tandis que la dette publique continue de croître si la croissance ne repart pas, et pire encore si les prix continuent de baisser.
Vendre les bijoux de famille, c’est donc pour faire des réformes, et surtout plus vite. Autrement, la situation sera pire. Il n’y aura bientôt plus de bijoux, la famille sera plus pauvre, et nettement moins famille.