UMP contre non UMP : qui va gagner la bataille monétaire mondiale ?

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UMP, il s'agit évidemment des Unconventionnal Monetary Policies, des Politiques Monétaires non Conventionnelles, menées aux Etats-Unis par la Fed, en Angleterre par la Bank of England, au Japon par la Bank of Japan. Les politiques Non UMP, ce sont les politiques monétaires plus classiques, où les banques centrales s'interdisent d'acheter directement des bons du trésor. On aura reconnu la Banque centrale européenne. Qui va gagner dans ces deux visions de la politique monétaire en sortie de crise ? Qui va voir renforcée sa crédibilité ? Qui va faire mieux gagner sa monnaie ?

D’abord soyons honnêtes : les deux politiques monétaires diffèrent parce que les financements des deux économies diffèrent. Aux Etats-Unis, le financement se fait aux deux-tiers par les marchés et à un tiers par les banques. C’est l’inverse en zone euro. Avec une économie financée par les marchés, les réactions des politiques monétaires sont plus directes et plus violentes. L’économie peut s’emballer plus vite, plonger plus profond.

Aux Etats-Unis, c’est bien ce qui s’est passé : une surchauffe de l’économie américaine financée à crédit a conduit à l’explosion des subprimes. Vient donc une crise financière qui fait plonger les bourses et les grandes banques américaines, qui fait mourir Lheman, qui pousse à la déflation. En face, la Banque centrale américaine doit agir vite et fort. Elle baisse ses taux courts à zéro. Elle refinance sans limite les grandes banques. Elle évite le pire. Et comme ceci ne suffit pas pour repartir, elle achète des tombereaux de bons du trésor et de bons de financement hypothécaire pour faire baisser les taux longs, soutenir l’économie, la bourse, les entreprises et les ménages endettés. Au bout de quelques années, cette politique porte ses fruits : les taux baissent, le dollar baisse, tandis que la récession fait baisser les salaires et que les découvertes de gaz de schiste font s’effondrer le prix de l’énergie. Les Etats-Unis s’éloignent du gouffre et pensent, depuis quelques mois, à normaliser peu à peu leur UMP, Unconventionnal Monetary Policy. C’est le fameux tapering. Ils y réussissent, comme on le voit depuis trois semaines. Ils vont acheter moins de bons du trésor et de papier hypothécaire dans les mois qui viennent : les marchés aiment.

En face, la Banque centrale européenne a plus fort et plus compliqué à faire, avec moins d’outils à sa disposition. L’économie est financée aux deux tiers par les banques et les banques sont très malades en Grèce, Espagne, Irlande et Chypre, malades en Italie et au Portugal. L’économie européenne plonge pendant des mois dans la récession. Mais il est impossible de baisser les taux courts pour faire repartir le crédit aux entreprises, puisque les banques sont trop faibles pour refaire du crédit. En même temps, avec la récession qui se prolonge, les déficits budgétaires se creusent, l’endettemnt public monte et inquiète, notamment pour les pays les plus endettés qui sont aussi les plus fragiles – sachant que la banque centrale européenne ne peut acheter de bons du trésor ! Les taux courts ne peuvent pas baisser, les crédits aux entreprises diminuent, les taux longs montent chez les plus fragiles : c’est la crise des finances publiques qui menace, la crise bancaire, la dépression. Pour en sortir, la BCE baisse ses taux autant qu’elle le peut et aide les banques en leur faisant des crédits à moyen terme. Les banques achètent alors des bons du trésor de leur propre pays, ce qui fait baisser un peu les taux et surtout les remplume. Mais ceci est limité en taille et en durée. Il faut que les économies s’ajustent, avec des coupes de dépenses publiques et des baisses de salaires importantes, de façon à ce que les profits remontent. C’est ce qui est en train de se passer : les politiques monétaires non UMP sont en train de marcher, mais avec un coût social et politique élevé. Le coût social, c’est le chômage massif et durable. Le coût politique, c’est l’affaiblissement de la zone euro, c’est la montée des populismes et des nationalismes.

Qui va gagner ? A court terme, les Etats-Unis vont mieux, mais les marchés financiers ont eu et ont encore très peur, tandis qu’ils sont en passe de comprendre les choix européens et la résilience de la BCE. Les pays émergents n’ont pas aimé cette politque monétaire américaine autocentrée qui croit encore que ce qui est bon pour le dollar est bon pour les autres. Les secousses liées actuellement à la normalisation américaine et que ressentent le Brésil, l’Indonésie, la Corée et surtout la Chine vont laisser des traces. A moyen terme le dollar ne peut continuer ainsi, avec des hauts et des bas économiques et financiers aussi accentués, les « autres » devant s’ajuster. Tout le monde veut plus de surveillance bancaire et financière aux Etats-Unis. Surtout, tout le monde se prépare à se renforcer : les BRICS ont ainsi décidé des accords d’échanges de devises en cas d’affaiblissemnt d’un des leurs. Et on ne sera pas surpris de voir que la Chine fournit la moitié des munitions. Une Chine qui prépare peu à peu l’internationalisation de son Yuan.

La BCE est en passe de réussir sa stratégie, mélange de technique, de tactique, de finesse, plus l’appui de la Chine et des autres BRICS qui ne veulent pas se trouver seuls face au dollar. Mais le travail est long et pénible pour continuer à renforcer la zone, en commençant pas ses membres les plus fragiles. Il faudra expliquer plus et encore mieux. Il faudra que les européens soient plus convaincus de l’intérêt de leur choix stratégique. Voyons le positif : 2013 a été l’année du point bas et 2014 est le début de la sortie de crise. Le problème est que la croissance future sera modeste, ce qui implique des efforts nouveaux de renforcement de la zone euro, avec deux nouveaux outils : Union bancaire, Banque Européenne d’Investissement, renforcement d’une dynamique fédérale, notamment en matière fiscale.

Au fond, les politiques monétaires UMP sont faites pour des économies de financement par les marchés, mais avec une inquiétude croissante qui pèse(ra) sur le dollar. La politique plus conventionnelle, non UMP, contrainte par les Traités, que mène la BCE lui confère un niveau de sérieux et d’efficacité très précieux pour le long terme – mais la croissance faible ne peut en être le prix. Une monnaie se construit dans la durée, avec de la croisssance. Maintenant; c’est à la zone euro de poursuivre ses réformes et sa modernisation. Les politiques monétaires non UMP, même réussies, ne peuvent faire de miracles. Elles sont faites pour aider à prendre courageusemenr les bonnes décisions. C’est maintenant aux patrons, aux salariés, aux politiques, aux peuples de parler et d’agir. Le pire de la crise de la zone euro est derrière, le plus compliqué commence, avec de la ténacité.

Et la France est aux avants postes. Elle a été assez solide pour résister, elle est assez crédible pour être soutenue et financée, ses entreprises sont là, mais il lui faut une vraie stratégie d’économies dans sa dépense publique et de soutien aux efforts privés. Allons y… Bonne année 2014 !