Trump-Biden : deux États-Unis devant le miroir

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 Trump-Biden : deux États-Unis devant le miroir

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Pendant une heure et demie ce 29 septembre, lors du débat opposant Donald Trump à Joe Biden, nous avons eu deux visages de l’Amérique.

  • Avec Joe Biden, c’est celui d’une puissance qui entend retrouver sa place dans le monde, en combinant un hard power toujours dominant à un soft power très renouvelé. En revivifiant ses valeurs et ses alliances, elle veut l’emporter sur un hard power chinois croissant, sachant que son soft power, malgré la multiplication des Instituts Confucius, n’est pas nécessairement convaincant.
  • Avec Donald Trump, avant que l’on n’apprenne qu’il était atteint par le COVID-19 – mais ceci ne devrait pas changer le fond des oppositions – c’est celui d’une Amérique qui entend continuer à se renforcer militairement et économiquement, en rapatriant des activités stratégiques, en handicapant la Chine dans ses avancées technologiques et en faisant pression pour que les membres de l’OTAN investissent plus en défense.

 

MAGA, Make America Great Again : c’est l’idée des deux candidats, chacun à sa manière bien sûr, de façon explicite ou non, pour maintenir l’hégémonie américaine face au rattrapage chinois. Le débat du 29 septembre n’a donc parlé que des États-Unis se regardant devant le miroir, mais le monde regardait. Médias, experts, politiques et simples citoyens en ont tiré des sentiments et des analyses différents. Beaucoup n’ont pas aimé qu’il ne soit pas plus ordonné, plus profond, regretté les interruptions et les noms d’oiseaux, alors qu’il s’agissait d’« aider » à choisir celui qui allait diriger le premier pays du monde… mais ce n’est pas le plus important.

 

Le plus important, c’est que les États-Unis ne peuvent consolider leur présence externe qu’en renforçant leur unité interne. C’est la contradiction trumpienne : son MAGA a désuni les États-Unis, au risque de les affaiblir, rendant ses ennemis plus enragés, ses alliés plus inquiets, les émergents plus incertains. En face, c’est le pari « bidenien » : d’abord réunifier le pays, puis renouer avec les alliés, puis se rapprocher des émergents. Mais que l’on n’imagine pas que Biden reviendra sur les demandes trumpiennes de renforcement militaire des pays européens, c’est bien, sachant qu’il est favorable à l’Union Européenne et c’est bien ! L’Europe ne peut se vouloir comme « puissance », si elle est désarmée.

 

Le MAGA trumpien veut le renforcement de chacun, mais chacun chez soi et pour soi. Ceci affaiblit bien plus l’Union Européenne, avec des USA moins protecteurs, que la Chine, qui devra quand même ralentir son projet de Routes de la soie, avec moins de crédits et de projets. Mais ne rêvons pas : le MAGA bidenien nous impose aussi de renforcer la politique interne et externe de l’Union Européenne, dans le monde qu’il souhaite. Avec lui, il ne sera plus bipolaire (États-Unis contre Chine) mais tripolaire (États-Unis, Europe, Chine), avec des relations plus apaisées, parce que plus complexes entre acteurs plus autonomes, donc… plus puissants. Bref : un multilatéralisme véritable.

 

Face à ce miroir, regardons-nous. Marseille n’aime pas les « ordres » qui viennent de Paris pour fermer ses bars, Aix dit que ce qui peut convenir à Marseille ne lui va pas, et ainsi de suite. Chacun ses problèmes et ses rages, et ce n’est pas fini. Hongrie et Pologne veulent bloquer le programme de reconstruction de l’Europe pour lutter contre la pandémie… puisque le Parlement Européen s’interroge sur les libertés chez eux ! Et Chypre voulait bloquer les sanctions contre les hiérarques biélorusses… puisqu’on ne proteste pas contre les Turcs en Méditerranée ! Et ainsi de suite.

 

En France, chacun se veut plus vert, plus bio, vivant et travaillant à 15 minutes de chez lui à vélo, selon des propositions municipales (Mme Hidalgo)… avec quelles conséquences ? On pourrait plutôt s’interroger sur les effets durables du COVID-19 sur la production et la consommation, avec les révélations de nos dépendances – en matière de santé comme de protection militaire et de nos faiblesses – avec trois quarts de nos emplois en services qui peuvent être réduits en quelques heures. Et si on réfléchissait aussi, en Europe, sur ces mêmes questions stratégiques ?

 

MAGA, c’est le retour à une hégémonie américaine, avec Trump ou Biden et les Routes de la soie, avec Xi, un retour à cet Empire qui se disait « du milieu »… du monde ! Regardons-les se regarder. Et regardons-nous, pour avancer entre. A chacun son miroir.