Tous d’accord pour sauver l’eau ?

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 Tous d’accord pour sauver l’eau ?

Nous sommes, paraît-il, en quête de consensus. Sauver l’e au en France est ce qui s’y prête le mieux, sachant que nous avons tous, évidemment, besoin de ce liquide devenu précieux et que nous voyons sa pénurie, avec ce qu’elle implique : crises agricoles, fissures de maisons et hausses des prix… Mais cette recherche d’une action partagée ne présente aucun intérêt médiatique, donc politique : ce qui attire micros et caméras, c’est l’opposition, pas le compromis. Mais, pour être effective, sans rêver de convaincre l’Amérique ou de contraindre la Chine (à moins que ce ne soit l’inverse), notre influence doit être plus indirecte que directe, plus tenace, passant par des programmes et investissements européens, avec des alliances avec l’Afrique. Mais ce sera loin, compliqué et surtout politiquement compliqué.

En attendant ce grand soir, pluvieux, il faudra une politique de l’eau, rapide, en France. Il ne s’agira pas d’un programme décennal comme nous les aimons tant, source d’empoignades sur des choix qui nous échappent, dans ce monde en mouvement. Pourquoi donc ne pas améliorer ce qui existe ? C’est-à-dire adapter nos besoins en eau au réchauffement climatique et plus encore au nouveau contexte géopolitique, avec ce qui se passe en Ukraine et avec la Chine, en faisant travailler ensemble les six agences de l’eau, collectivités publiques, agriculteurs, entrepreneurs et consommateurs, plus la puissance publique, avec plus de ressources ? A court terme, il s’agit d’éviter les vains procès sur la « carence de l’État », qui nous donnent bonne conscience, et le grandiose, aussi faux que cher, pour aller vers le petit, graduel, mesurable et ajustable. Bref : le minable. Pourquoi ne pas débattre de ce qui dépend de nous, aux effets immédiats, et si importants quand on les ajoute ?

Est-il impossible de moins arroser les pelouses, de moins laver les voitures et les façades des maisons, de cesser de remplir sa piscine, pour ceux qui ont pelouse et piscine bien sûr, sans que ne se ressente une insupportable atteinte à nos libertés, sans décrets, contrôles et amendes, sans manifester ? Est-il inimaginable de prendre moins de bains et de raccourcir nos douches, responsables à eux deux de 39% de la consommation d’eau des ménages, sans choir dans la saleté ?

L’agriculture a besoin d’eau ! Beaucoup pour que nous la mangions si nous sommes amateurs de bovins, un peu moins lorsque nous sommes friands de salades et autres légumineuses. La question devient vite tendue, certains voulant interdire la boucherie qui fait commerce de ces bœufs, insatiables consommateurs d’eau, par l’herbe qu’ils broutent, le maïs et le soja qu’on leur fournit pour les engraisser rapidement, ou encore par la pollution des nappes phréatiques qui vient de leurs déjections. D’autres écologistes, violents à moins qu’ils ne soient ignorants, protestent contre les retenues collinaires ou les « bassines » qu’ils jugent : trop grandes. De nuit, ils tentent de les endommager, sous prétexte qu’elles portent atteinte au cycle naturel de l’eau – et que dire alors des barrages de montagne ? Bientôt, on se rendra compte que le maïs en est très friand, notamment en Adour-Garonne, sans compter le blé, pour le pain. Taxer la baguette, ou expliquer ?

En fouillant, on trouve qu’en 2018, sur 32 milliards de m3 d’eau douce, 16 sont allés rafraichir les centrales nucléaires, 5 ont été potables, donc directement bus par nous, 3 vont à l’agriculture et 2,5 à l’industrie. Faut-il arrêter le nucléaire ? Mais les centrales ne boivent pas cette eau, elles la « rendent », certes plus chaude. Et les entreprises doivent la dépolluer, ou payer. Faut-il qu’elles ferment ? Et pour cette eau agricole bue par la terre, si les paysans se mettaient à certaines semences génétiquement modifiées qui en auraient moins besoin ? On entend d’ici les hurlements. La gestion de l’eau deviendra de moins en moins douce quand les partages deviendront plus compliqués, donc antagoniques, masquant les peurs sous toutes ces « études » qui recommandent de produire moins.

Mais pourquoi ne pas consommer plus local, en expliquant que ce « degré moyen » qu’on nous annonce combinera une demi-France désertique avec une autre sous contrainte si nous ne faisons rien, et qu’on peut réduire ce grand écart ?

Un « grand débat » sur l’eau s’annonce. Horreur si on n’y parle pas de science, pas de stratégie et pas des efforts que chacun de nous peut faire.

Mon eau s’arrête où commence celle de l’autre.