Un malheur n’arrive jamais seul, heureusement ! On peut donc rêver que tous ceux qui nous viennent aujourd’hui, de partout, pousseront les décideurs privés à s’entendre, au bord du gouffre, et les autorités publiques à prendre, autrement dit imposer, des solutions courageuses, autrement dit impopulaires. Nul décideur n’agit face à un seul drame ! Nous voilà donc servis et prévenus.
L’histoire commence avec SVB, Silicon Valley Bank, 16ème banque américaine spécialisée dans la techno, icône de la région. Elle vient de fermer ses portes. Avec les enquêtes qui vont suivre, on commencera par voir qu’il s’agit d’unebanque de moins de 250 milliards $ d’actifs, donc non régulée, non soumise à des stress tests, comme tant d’autres. Elle voulait être libre, un souhait exaucé par Donald Trump, suite notamment au forcing du patron de… la banque !Ensuite, au-delà d’erreurs de gestion avec une forte concentration d’actifs risqués dans la tech, on trouvera des arrangements entre amis, puis des ventes par les responsables de la banque de leurs actions… en février, après quelques millions de bonus en 2022. Rien de surprenant, en ce temps où les sociétés de technologie ont besoin de plus de ressources, plus coûteuses à collecter, avec des succès plus difficiles à atteindre : même Facebook licencie ! Réussir dans la tech : un pari compliqué, la preuve.
Arrive Signature, 21ème banque américaine, dans le maelström. Elle était spécialisée dans ces crypto-monnaies toujours secouées, notamment celles qui se disaient stables par rapport au dollar. Pour être « stables », donc pour garder leur taux de change de 1 par rapport au dollar, elles doivent rapporter au moins autant que lui, soit 4,75% : le taux des Fed funds. Alors, au fur et à mesure que la Fed augmente ses taux pour lutter contre l’inflation, ces monnaies « stables » doivent suivre, en faisant des prêts plus chers et à court terme aux ménages et aux entreprises, donc en prenant plus de risques. Et ceci au moment où l’économie frôle la récession : autre pari très compliqué. La preuve.
Survient le Crédit Suisse, avec l’annonce de « problèmes comptables » que la banque promet de régler au plus tôt, sachant que, de son côté, le patron de la Saudi National Bank (SNB) n’envisage « absolument pas » d’apporter d’autres fonds. Propos traduits négativement par les marchés, on les comprend. La SNB dira ensuite que ses règles l’empêchent de détenir plus de 10% d’une banque : trop tard ! On saura après que cette participation a été acquise fin 2022 : mauvaise pioche ! Surtout, nous changeons de monde avec la 2ème grande banque privée helvétique. On y trouve des placements importants et surtout discrets. Ils supportent mal les pertes et plus encore les rumeurs et les enquêtes. Or le Crédit Suisse les accumule. Son action, qui valait 80 Francs suisses en mai 2007, se négocie à 1,8 le 18 mars 2023, malgré le soutien de la Banque centrale suisse, un engagement de prêt de 50 milliards et des discussions de mariage : autre pari compliqué. La preuve.
Comme toujours, cette crise de confiance s’étend et se mondialise, même si les autorités financières et bancaires, les responsables politiques et les autres banques jurent que tout est sous contrôle. Aux États-Unis, le Trésor remboursera tous les déposants. Onze banques s’engagent à soutenir First Republic, sous pression, mais les banques régionales demandent deux ans de garantie des dépôts ! En Suisse, la banque centrale jure qu’il n’y a rien à craindre et marie CS avec UBS pour 3 milliards $ une banque évaluée à 7 en bourse : la preuve ! La BCE réunit ses experts en surveillance prudentielle le 16 mars. On nous dit que les banques de la zone ont des dépôts stables. Elles disposent même de 4 000 milliards de liquidités en trop, qu’elles veulent retourner à la BCE : la preuve !
Comme toujours, il faut circonscrire les risques de propagation de la crise bancaire avec plus de mots apaisants, plus de liquidité tout de suite et surtout, mais c’est plus compliqué, plus de fonds propres, de règles et de contrôles. Ce n’est pas une surprise si les inquiétudes viennent des États-Unis, avec des banques peu suivies dans des secteurs instables qui se disent prometteurs, manipulant des actifs nommés monnaies, en ajoutant crypto, pour montrer qu’elles n’en sont pas. Quant au secret suisse, danger… quand on voit ce qu’il cache.
Un malheur n’arrivant jamais seul, lessivons !