Sortir du COVID-19, par la demande ou par la restructuration ?

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 Sortir du COVID-19, par la demande ou par la restructuration ?

 

Guérir n’est pas doper : le petit monde des économistes est assez d’accord sur ce point. Les « doses keynésiennes » ont leurs limites. Mais après : s’en sortir au mieux est-il s’en sortir au plus vite ? Les « doses schumpétériennes » donnent-elles leur meilleur effet au bout de deux, cinq, huit, dix ans ? Alors les économistes débattent, les bourses s’impatientent et les politiques piaffent. Sans compter les salariés, les chômeurs, les patrons et les jeunes !

Et nous voilà en plein « concours de PIB » ! Qui sortira de cette crise sanitaire au plus vite ? La Chine gagne, ayant été (officiellement) peu affectée par le virus et qui bénéficie des soutiens à la demande qui sont mis en œuvre… partout ailleurs. Suivent les États-Unis, avec des milliards de dollars de doses pour la demande des plus fragiles, puis plus de milliards pour les infrastructures et la formation, avec toujours autant pour la recherche privée, à moins qu’elle ne soit (aussi) militaire. L’Europe est en retard et encore en récession ! Le virus y recule bien sûr, sous l’effet des vaccins, sauf s’il cache une mutation dont il a le secret. Pire, cette Europe doit compter avec des soutiens monétaires que certains songent à réduire (la Banque centrale allemande pour ne pas la nommer), avec des soutiens budgétaires dans chaque pays de plus en plus mesurés dans le temps et ceux, au niveau européen, qui se font attendre.

La France n’échappe pas à ce dopage quantitatif. Elle compte 57 000 nouveaux emplois entre fin décembre 2020 et fin mars 2021, soit 263 000 qui manquent pour retrouver le niveau de décembre 2019, avant le COVID-19. Encore un effort ! Mais ces emplois ne seront pas ceux « d’avant », et ne doivent pas l’être. Mais qui le dit ? Les derniers chiffres de croissance française montrent une lente reprise en 2021 (+0,4% au premier trimestre, +0,25% au deuxième), avec encore, à cette date, une perte de 4% de PIB par rapport à fin 2019. Mi 2021, l’activité aurait donc recouvré la moitié de la perte due à la pandémie. Mais ceci ne dit rien du futur. En effet, la prévision à long terme du budget, passée la reprise en cours (+5% en 2021, +4% en 2022, +2,3% en 2023), donne des chiffres plus amortis : +1,6% en 2024, puis 1,4% les trois années qui suivent (Agence France Trésor, mars 2021). La croissance potentielle devrait dépasser 1% de peu, avec un déficit budgétaire persistant. Alors : on dope encore plus, ou on restructure, pour changer le contenu de ce PIB potentiel, donc le renforcer ?

D’ailleurs, doper pour restructurer beaucoup plus après, c’est la politique de Joe Biden, et qui marche ! 6 trillions de dollars en trois plans : 1,9 pour aider au début et éviter le pire, « doper », plus 2,3 pour remettre à jour les infrastructures et 1,8 pour la formation et l’emploi, « restructurer » donc, cette combinaison fait que le PIB américain est de 1% seulement au-dessous de l’avant pandémie, contre 4% en zone euro. Derrière ces remontées si différentes, on trouve en fait des économies qui acceptent, plus ou moins, de changer. Il y aura ainsi plus ou moins de télétravail, de e-commerce, de start-ups, de réorganisations… ce qui implique plus ou moins d’abandons des procédures et savoirs anciens. Donc plus ou moins de changements et d’innovations.

Parler « reprise » ou « rebond » en France est trop mécanique. Le PIB obtenu donne un résultat, vite jugé, mais qui fait l’impasse sur les créations qui permettent de l’obtenir. S’inquiéter de la faiblesse quantitative du PIB futur cache sa faiblesse qualitative. Les restructurations des chaînes de valeur, le raccourcissement des chaînes logistiques, le télétravail… ont des effets sur l’emploi, les espaces de bureaux, les transports, et surtout sur ce qui devra être fait pour augmenter et pérenniser la productivité. Ce sont des entreprises plus réactives et efficaces, donc plus de formations, des emplois enrichis et des embauches plus qualifiées qu’il faut, si l’on veut éviter de s’installer dans une sous-croissance catastrophique à terme.

Place à l’immatériel et au stratégique : ces investissements, plus risqués, doivent faire la différence. Au moment où la rentabilité des entreprises est faible, il faut leur transfuser l’épargne liquide de ménages. Autrement, sortir du COVID-19 par la demande, c’est faire un soufflé. Et voilà qu’on nous parle d’« oublier » les crédits publics aux entreprises viables avant le virus, histoire de discuter plutôt que de changer !