Sortie de crise : pourquoi c’est si long ? Parce que c'est si différent !

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C’est si long parce que c’est si différent. Et c’est si long et si différent parce qu’on ne comprend pas que ce qui nous affaiblit aujourd’hui peut nous sauver demain...

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C’est si long parce que c’est si différent. C’est si différent des excès antérieurs : les crédits des Caisses d’épargne américaines aux centres commerciaux déserts (1987), les bulles de l’immobilier (France en 1990), les financements fous du Mexique (1994) ou de l’Asie (1997), sans oublier les crédits aux PME (France 1995),  à la Turquie ou à la Russie… L’histoire est pleine d’excès de crédits, d’enthousiasmes subits suivis de corrections fortes. Mais cette fois, c’est différent.

C’est si différent parce que la montée du crédit a eu lieu pour cacher les pertes, pas pour accélérer la croissance. La croissance du crédit que nous vivons depuis quinze ans n’a pas été faite pour accélérer la croissance industrielle et commerciale, en allant au-delà du raisonnable, comme dans les cycles classiques, mais pour cacher les pertes liées à une double révolution industrielle. Cette double révolution dans laquelle les pays industrialisés, c’est-à-dire nous, perdons pied c’est :

–         la révolution du container (née il y a quarante ans), qui a fait s’effondrer le prix du transport des biens,

–         la révolution de l’informatique (née il y a trente ans), qui a fait s’effondrer le prix du transport des messages et des services.

Notre monde s’est raccourci dans l’espace et dans le temps. Il va plus vite et fonctionne à l’unisson.

C’est si différent, parce que cette crise des pays industrialisés a commencé sous son bon jour : l’augmentation du pouvoir d’achat. Acheter des chaussures chinoises, c’est acheter moins cher. Et ainsi de suite pour les vêtements, les autos, en attendant les avions.

C’est si différent, quand vient le revers de la médaille, parce que c’est partout beaucoup moins cher qu’ici. Le travail moins cher acheté là-bas tue le travail plus cher fait ici. La double révolution du container et de l’ordinateur chamboule le monde productif, qu’il soit français, espagnol, américain ou allemand.

C’est si différent parce que les capacités de compréhension et de riposte diffèrent d’une économie à l’autre. Les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni ont fait baisser leurs taux d’intérêt, leur monnaie et leurs salaires – pour éviter le pire, gagner du temps, remonter la pente. En zone euro, les taux ont peu ou pas baissé dans les pays les plus fragiles, Grèce, Espagne, Italie…, l’euro a monté, c’est donc le salaire qui a baissé et payé l’ajustement. Mais cette baisse du salaire, économiquement et socialement violente, n’a pas suffit. En Irlande, il faut du dumping fiscal. En Grèce et au Portugal, il faudra vendre des actifs privés et publics – et ceci ne suffira sans doute pas.

C’est si différent car la propriété des actifs du monde est en train de changer, au bénéfice des pays émergents. Les pays industrialisés, aujourd’hui endettés, doivent changer et innover plus vite que jamais, autrement ils devront vendre leurs actifs les plus précieux. C’est si différent, en France, et donc si dangereux, si on n’explique pas, n’avance pas, ne change pas.

C’est surtout si différent parce que ces deux révolutions des échanges et de l’informatique peuvent nous sortir d’affaire en France, en modernisant plus vite, en formant mieux, en agissant et en réagissant plus rapidement – et ensemble. Nous n’avons aucune raison de perdre. Les ingénieurs, les centres logistiques, les savoirs nouveaux sont majoritairement ici – et la France est un grand pays de recherche et de savoirs, avec une grande image de marque. Il faut accepter de changer, d’appliquer à nos systèmes publics et privés la nouvelle économie qui révolutionne le monde. ll faut coopérer plus, entre nous et dans nos territoires.

C’est si long… parce qu’on ne s’est pas dit qu’on pouvait s’en sortir.