Manger le miel de nos abeilles, porter les polos tissés ici avec du coton français, acheter des tapis en laine de mouton du Larzac, enfiler des jeans en toile Denim (puisqu’elle venait au début « de Nîmes » !) ou, plus résistante, de chanvre français, marcher en chaussures nationales : on ne compte plus les initiatives qui se développent pour refaire aujourd’hui, en France, ce qui y fut fait jadis.
Le coton bio, qui vient (pour l’heure) de Grèce, viendra de plus en plus d’ici, avec le chanvre, comme les fermetures éclair, les fonds de poche, les étiquettes extérieures et les jacrons (étiquettes en cuir), les biais (ganses qui protègent les coutures intérieures), les boutons et rivets, les sachets d’envoi (évidemment recyclables)… La liste n’est pas close de cette nouvelle « reconquête du marché intérieur », comme on disait en 1980. Bien sûr, ceci a un prix. Mais, à comparer à ceux de Ralph Lauren et autres Lacoste, c’est quand même moins cher ! Bien sûr aussi, ne parlons pas de soldes ou de démarque. Nous sommes ici avec des produits (encore) très peu industrialisés, de qualité, et surtout chargés d’histoire et de symboles. Pas de réduc sur l’histoire retrouvée !
Cette démarche peut s’étendre, pour empêcher de voir mourir des savoirs artisanaux et des métiers d’art, en liaison avec l’image de luxe et de qualité de la France. Mais, pour réussir, elle doit être double : artisanale dans sa philosophie, très moderne dans sa réalisation. Elle veut créer ou faire revivre des filières spécialisées certes, mais elles seront interconnectées par Internet, avec vitrines virtuelles et réseaux de vente directe. Si son succès est « viral », il pourra soigner, guérir et revitaliser nombre d’activités. Écrasées il y a des années par les productions asiatiques, notamment chinoises, elles renaîtraient.
Ce remade in France est, si l’on veut, nostalgique. Mais il ne peut être « réactionnaire », s’il veut réussir. Il doit combiner des savoirs anciens, des productions locales, agricoles et artisanales, avec les techniques les plus récentes de production, d’organisation et surtout de communication. C’est la solution, évidemment partielle mais féconde, pour faire revivre des territoires et des métiers, ranimer des formations, lutter contre le chômage des jeunes…
En effet, même si des aides et subventions sont largement utilisées, ces secteurs rajeunis ne pourront se développer sans plus d’innovations, de contrôles de qualité, d’assurances écologiques, de « responsabilité sociale et environnementale » (RSE : pour reprendre le sigle en cours)… Il faudra donc plus de liens avec les formations, les technologies et savoirs les plus modernes pour les renforcer et les adapter. Il ne s’agit donc pas d’être bobo, écolo ou pire, passéiste, mais de voir comment renouer les fils du temps, pour faire la différence.
Cette stratégie pourrait même être soutenue par les dernières décisions d’Emmanuel Macron afin de calmer les « gilets jaunes » ! La « désocialisation » (pas de charges sociales) et la défiscalisation des heures supplémentaires est une façon (coûteuse) de sortir des 35 heures, mais elle peut aider les entreprises et un emploi fragilisés. La hausse du Smic de 100 euros, outre celle prévue de 1,8% en janvier pour corriger l’inflation, ne va pas non plus peser sur celles-ci. 20 euros viendront en effet de la baisse des cotisations sociales (en contrepartie de la hausse de 1,7 point de la CSG des retraités), plus 10 euros accordés en octobre de hausse de la prime d’activité, plus 70 euros avancés dans le temps (30 étaient prévus au printemps 2019, 20 au printemps 2020, 20 au printemps 2021). 100 euros, c’est ainsi une accélération des dépenses publiques, donc une augmentation du déficit et de la dette. Rien sans rien.
Au fond, ce remade in France vient à un moment très favorable : celui du goût croissant pour la proximité et l’écologie, du souci de la qualité avec l’acceptation d’en payer le prix, plus des « solutions gilets jaunes ». La mode devient, aujourd’hui, ce qui se démode moins. Evidemment, pour que ce courant se renforce et réussisse, il faudra éviter ici notre goût des chausse-trappes. Il faudra arrêter les hausses futures des impôts et taxes, et plus encore des règles et normes, sociales et environnementales surtout, en voulant bien plus d’ours et de loups quand on souhaite avoir plus de moutons, et plus d’éoliennes quand on veut des paysages dégagés. Pour « refaire en France », il faudra donc accepter… de se refaire !